Hanezu no tsuki

Affiche Hanezu no tsuki
Réalisé par Naomi Kawase
Pays de production Japon
Année 2011
Durée
Musique Hasiken
Genre Drame
Distributeur UFO Distribution
Acteurs Tota Komizu, Hako Ohshima, Tetsuya Akikawa, Akaji Maro, Taiga Komizu
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

La réalisatrice de LA FORÊT DE MOGARI (Cannes 2007) s’intéresse toujours au rapport de l’homme avec la nature et le passé. Son film commence par la récitation à trois voix (deux masculines, une féminine) d’un poème évoquant trois montagnes de la région d’Asuka, les monts Unebi, Miminashi et Kagu, autrefois résidences des dieux, deux d’entre elles se disputant les faveurs de la troisième. A l’image de la séquence initiale (des pierres extraites de fouilles archéologiques et acheminées par un tapis roulant) le mythe ancien revit en la personne d’une jeune femme aimée par deux hommes, son mari et un sculpteur. Dans cette région où se dressait jadis une capitale, un petit village meurt de vieillesse, et la naissance d’un enfant est accueillie avec bonheur. La jeune femme se trouve enceinte, mais de qui?

Le film, tout de retenue voire de froideur, offre des images splendides, véritables tableaux, mais présente un monde fermé pour l’accès duquel des clefs manquent aux spectateurs occidentaux. Triste et lent, il progresse sans dynamique, apparemment livré à un destin incompréhensible.

Note: 14



Daniel Grivel





En 1997, lorsque Naomi Kawase a obtenu la Caméra d’Or pour SUZAKU, elle était la plus jeune lauréate de l’histoire du Festival de Cannes. Depuis, elle a tenu ses promesses et reçu de nouvelles récompenses. On se souvient notamment de LA FORÊT DE MOGARI qui lui a valu le Grand Prix du Festival de Cannes en 2007. Avec HANEZU NO TSUKI, la réalisatrice confirme son sens de l’esthétique, sa vénération de la nature et son attachement à sa terre natale, le Japon.

Sur l’écran s’étendent la vaste plaine et les collines d’Asuka, région proche de Nara, ancienne capitale de l’archipel. Dans ce paysage s’imposent trois montagnes autrefois habitées par les dieux. Unabi et Miminashi aimaient Kagu et se sont battus pour son amour; elles dessinent toujours un horizon serein. Aujourd’hui, Tetsuya (Tetsuya Akikawa) et son mari Takumi (Tota Komizu) vivent des jours paisibles. Mais, comme pour les trois montagnes, cette tranquillité est trompeuse. Tetsuya est amoureuse de Kayoko (Hako Ohshima), le sculpteur sur bois.

Naomi Kawase raconte ce triangle amoureux, sans cesse ramené à celui des monts légendaires, avec une grâce émouvante. Elle sait comme personne attacher l’être humain à la nature dont il est issu. Les plantes, le bois gravé, les oiseaux, les insectes enchevêtrent leur existence à celles des protagonistes. La nourriture y trouve une place de choix, cuisine savoureuse préparée avec des légumes frais. La nature comme lieu de sensualité, mais aussi comme métaphore. En témoignent les trois montagnes, on l’a dit, mais encore le couple d’hirondelles qui, chez le sculpteur, vole librement et nourrit sa nichée. Au contraire, chez Tetsuya, le canari est seul et prisonnier de sa cage.

HANEZU NO TSUKI parle aussi de l’hérédité, cette dimension verticale qui lie les générations. Ainsi Tetsuya et Kayoko sont-ils tous les deux tributaires de grands-parents qui, eux, comprenaient la nature et vivaient en respectant son ordre. Les deux jeunes portent les espoirs des anciens.

Il suffit de peu à la cinéaste pour montrer tout cela. Des plans soigneusement cadrés qui se laissent longuement pénétrer par le regard et l’esprit, de belles images évocatrices, tandis que les protagonistes, qui ne prononcent que les mots nécessaires, vivent au rythme des saisons. La douleur de l’amour éconduit semble se faire aussi légère que les foulards teints par Tetsuya, mais c’est la violence de la pluie qui en dit la profondeur.

En somme, plus qu’une histoire, ce film se présente comme un chant lyrique, une méditation. «La poésie qui l’imprègne dit à chaque instant ce que nous avons perdu en nous laissant bercer «par l’illusion que nous pouvons tout faire», comme le rappelle une Naomi Kawase, qui songe à Fukushima. «Les hommes ont échoué dans le projet de vivre avec la nature.»

Note: 18



Geneviève Praplan

Ancien membre