Habemus papam

Affiche Habemus papam
Réalisé par Nanni Moretti
Pays de production France, Italie
Année 2011
Durée
Musique Franco Piersanti
Genre Comédie dramatique
Distributeur Le Pacte
Acteurs Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr, Renato Scarpa, Franco Graziosi
Age légal 10 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

Environné d’une aura de polémique (sur les écrans italiens depuis quelques semaines déjà, il a suscité l’ire des milieux traditionalistes), le film de Nanni Moretti ne mérite pas le bûcher pour autant. Le réalisateur de LA CHAMBRE DU FILS, Palme d’Or, persévère dans son amour de la psychothérapie et du sport. Un pape est mort, le conclave siège en vue de lui désigner son successeur - l’occasion d’un documentaire rigolard sur la procédure d’élection, avec des cardinaux qui tous, au moment du dépouillement du scrutin, n’ont qu’une pensée: «Pas moi, Seigneur!»... Après plusieurs tours, une nette majorité se dégage en faveur d’un prélat (magistralement interprété par Michel Piccoli, dont la maîtrise de l’italien est remarquable). Habemus papam! Mais, au moment précis où la nouvelle va être proclamée du balcon donnant sur la place Saint-Pierre, le nouveau pape, en coulisse, dans un grand cri, se déclare incapable d’assumer sa charge. Sidération, consternation, on appelle un psy éminent (savoureux Nanni Moretti) pour dénouer l’écheveau. Mais, au grand dam de la cour vaticane, le Saint-Père réussit à s’évader et part à la rencontre des gens ordinaires.

Avec humour et tendresse, Moretti pointe une Eglise qui ne comprend pas, qui a peur d’avouer ses fautes, prenant fait et cause pour un être humain plutôt que pour une fonction, pour un homme conscient de sa fragilité et terrifié par ses responsabilités. Pour lui, comme il est dit dans le film, «nous avons besoin de montrer nos blessures au Seigneur, parce qu’Il les guérira».

Note: 15



Daniel Grivel





Il n’est pas facile de porter un jugement à la fois critique et respectueux sur un sujet délicat qui met en scène une institution aussi importante qu’universelle et qui touche au domaine de la religion et de la foi. Encore que le cinéaste italien se garde de toute analyse pour demeurer à la surface des choses.

Ce film a un côté documentaire dans la mesure où Moretti inscrit son scénario dans la réalité complexe d’une procédure qui n’a guère évolué au cours des siècles, l’élection d’un pape. Elle se prête donc à des effets comiques dus au décalage des mentalités.

C’est tout de même une fiction lorsque le nouvel élu refuse le poids d’une charge aussi lourde et parvient à s’échapper du Vatican. Il se promène incognito dans les rues de Rome, où il découvre les réalités du quotidien que sa charge l’empêche de vivre, avant d’apparaître au balcon où traditionnellement l’attend une foule impatiente de connaître son identité (Habemus papam) et de recevoir sa bénédiction Urbi et Orbi, à la ville de Rome et au monde. C’est prendre au sérieux l’importance d’une fonction reconnue bien au-delà de la communauté catholique.

C’est une comédie aussi qui met en scène les 185 cardinaux-électeurs, issus du monde entier, avec leur côté humain et fragile («Pas moi, Seigneur», prient-ils au moment du dépouillement du scrutin). La séquence où ils jouent au ballon est amusante sans être irrespectueuse. Le protestant chargé de la critique se sent mal à l’aise, car il est très éloigné d’entrer dans ce jeu et doit se garder de tout irrespect comme de porter un jugement qui pourrait paraître méprisant. Moretti n’oublie pas au passage d’égratigner la psychanalyse (il tient lui-même le rôle savoureux du psychanalyste). Quand à Michel Piccoli, il compose avec talent un personnage déchiré. On n’oubliera pas ce visage plein de douceur et de fermeté. On n’oubliera pas non plus ce hurlement de refus qui ébranle les voutes séculaires du Vatican et porte en lui un jugement sur la fragilité d’un homme, fut-il homme d’Eglise ou homme de foi.

Note: 14



Maurice Terrail

Ancien membre