Exercice de l'Etat (L')

Affiche Exercice de l'Etat (L')
Réalisé par Pierre Schoeller
Pays de production France
Année 2011
Durée
Musique Philippe Schoeller
Genre Drame
Distributeur Diaphana Distribution
Acteurs Zabou Breitman, Michel Blanc, Olivier Gourmet, Laurent Stocker, Sylvain Deblé
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

L’EXERCICE DE L’ETAT est une fiction politique plus vraie que nature. Le film nous met dans la peau d’un ministre français des Transports pris dans le tourbillon des intrigues, des urgences, des cas de conscience et de la pression médiatique. Malgré sa bonne volonté, il est contraint de réagir au coup par coup, quitte à faire le deuil de ses convictions profondes et de ses amitiés.

Le dilemme est clair: servir l’Etat (et la société) ou survivre dans le champ miné des ambitions personnelles. Le constat de Schoeller est sans appel. Il démonte les mécanismes qui font du pouvoir une fin en soi: ceux qui croient l’exercer sont en fait le jouet de forces qui les ballottent d’une compromission à un arrangement.

Bien ficelé, au rythme soutenu, le film est remarquablement servi par un casting qui ose mêler de grands professionnels (Olivier Gourmet, Michel Blanc) et un acteur dont c’est le premier film: Sylvain Deblé y joue le chômeur silencieux qui incarne la distance entre le jeu politique et la réalité des gens. Le peuple est de plus en plus exclu de la vie démocratique. Le jeu cruel qui se joue sous les décors des ministères et de l’Elysée apparaît comme un mépris infligé aux sans-voix. Dans le contexte d’un Festival de Cannes 2011 chahuté par les dérapages de DSK, L’EXERCICE DE L’ETAT résonne encore plus fort et (tristement) vrai.



Claude Schab





Pierre Schoeller filme le travail d’un ministre et de son cabinet. Son histoire est magnifiquement jouée et sa démonstration n’ennuie pas une seconde.

«Le cœur du film, c’est le costume, la charge ministérielle vécue au plus près de la chair: la libido, la tension, l’insomnie, l’ivresse, les rituels et les passions que se vouent les grands serviteurs de l’Etat.» Après PATER (2010), dans lequel Alain Cavalier et Vincent Lindon jouaient délicieusement à devenir respectivement un président de la République et un ministre, Pierre Schoeller prend l’affaire par sa vérité, en filmant heure après heure la vie d’un cabinet ministériel.

Un homme (Olivier Gourmet) est réveillé en pleine nuit par son téléphone: un accident de la circulation vient de se produire dans les Ardennes, un autocar s’est retourné dans un fossé. Plusieurs des enfants qu’il conduisait ont été tués. L’homme est Bertrand Saint-Jean, le ministre français des transports. Aussitôt l’appel entendu, il est dans sa voiture avec sa conseillère en communication (Zabou Breitman) - comment informer la presse de l’accident? -, avant qu’un hélicoptère ne l’amène sur les lieux du drame. Il est ému, bouleversé, mais son équipe l’aide à ne pas perdre le fil. Car, dès le lendemain, il doit affronter une autre réalité, la privatisation des gares qu’il refuse avec la dernière des énergies, soutenu par son directeur de cabinet (Michel Blanc).

«Film sur la figure du pouvoir», L’EXERCICE DE L’ETAT est aussi celui de la désillusion. Se lancer dans la politique suppose, à des degrés divers selon les personnes, le goût du pouvoir, le besoin de reconnaissance et de gloire, voire l’appât du gain. Mais la démarche contient aussi de l’idéalisme, au début en tout cas, et la volonté de faire triompher une certaine conception de la justice sociale. C’est du moins le cas de Bertrand Saint-Jean.

Or, ce que montre Pierre Schoeller, c’est le balancement permanent entre démagogie et dévouement. C’est à quel point les glissements vers la compromission sont inévitables et ce qu’il en coûte. Certains d’entre eux sont même, parfois, la seule façon d’obtenir des résultats conformes aux buts qu’on s’est donnés. A côté de la crudité de ce fait, la vie quotidienne du cabinet, le parfait graissage de son fonctionnement ne sont qu’anecdotes pour illustrer d’une part la vie impossible des personnalités politiques, d’autre part la formidable efficacité - et l’esprit de sacrifice - de leurs équipes.

Le réalisateur, qui a écrit son scénario de toutes pièces, est incontestablement doué pour la narration. Sa mise en scène fait preuve d’une belle maîtrise qui se retrouve au montage, calqué sur le rythme quotidien de la vie politique. Souligner encore l’excellente direction d’acteurs, avec un Michel Blanc magistral… Et que dire de plus? Peut-être faut-il tout de même reprocher à ce film qui sait tenir en haleine, un petit excès de romanesque et de spectacle? Sans doute, mais ce sont ces deux points qui font de L’EXERCICE DE L’ETAT un bon film populaire.

Note: 15



Geneviève Praplan

Ancien membre