Et maintenant on va où?

Affiche Et maintenant on va où?
Réalisé par Nadine Labaki
Pays de production France, Liban
Année 2011
Durée
Musique Khaled Mouzanar
Genre Comédie dramatique
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs Nadine Labaki, Yvonne Maalouf, Claude Baz Moussawbaa, Layla Hakim, Antoinette El-Noufaily
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le Jury œcuménique - composé de Daniel Grivel, président (Suisse), Gianluca Arnone (Italie), Martin E. Bernal Alonso (Argentine), Christiane Hofmann (France), Françoise Lods (France) et Mikaël Mogren (Suède) - a également décerné une Mention spéciale au film Et maintenant on va où ?
«Les habitantes d’un petit village isolé sont prêtes à tout pour préserver la paix entre les deux communautés qui y cohabitent. Avec beaucoup de finesse et de tact, Nadine Labaki réussit une fable poétique en équilibre délicat entre comédie et tragédie, suscitant une émotion tournée vers l’espoir.»


Le film s’ouvre sur une scène d’anthologie: une procession rythmée de femmes en noir s’avance vers un cimetière des montagnes libanaises où sont enterrés leurs maris, pères, frères et fils. Un cimetière coupé en deux, comme le village entre l’église et la mosquée. Une étincelle suffirait à relancer la guerre fratricide et les femmes vont multiplier les stratagèmes pour distraire les hommes et leur faire comprendre les absurdités de la guerre. Cette reprise de l’éternelle Lysistrata d’Aristophane est épicée aux senteurs proche-orientales, avec un savant mélange de rires et d’horreurs, d’exagérations et de réalisme, de traditions et de modernité, de bagarres et de danses, de chants et de complaintes.

Ce pari réussi de faire une comédie avec la situation tragique d’un village, d’un pays et finalement du monde entier porte la marque d’une jeune réalisatrice (et actrice) libanaise, Nadine Labaki, dont c’est le second long métrage (après Caramel). Elle combine judicieusement une palette des genres: quel que soit le registre qu’elle utilise, le spectateur se laisse entraîner avec bonheur. De rebondissement en rebondissement, ce plaidoyer joyeusement subversif contre la vendetta, les divisions religieuses et la bêtise est plus éloquent que tous les sermons du monde.

Claude Schwab


Les hommes sont-ils seuls à provoquer les guerres? La Libanaise Nadine Labaki n’a pas réalisé son deuxième long métrage pour l’affirmer. Mais, bien qu’imaginaires, les aventures qui secouent ce petit hameau - du Liban ou d’ailleurs - le confirment clairement, tant elles se déroulent au cœur de la vie quotidienne. Le choix de comédiens amateurs, appelés «à évoluer dans leur propre vérité», n’y est certainement pas étranger. Et pas non plus le parti pris affirmé d’une fiction aussi réaliste que possible, à commencer par ses décors.

L’histoire est celle d’une communauté villageoise, petite et tout de même partagée par ses religions; les uns sont musulmans, les autres chrétiens. Le pays n’a pas résolu ses conflits. Toutefois, le village en est isolé par le bombardement qui a détruit sa seule voie de communication. Lorsqu’on réussit à remettre en marche la télévision, c’est pour apprendre que, plus loin, les armes sont réapparues parce que les musulmans ont porté préjudice aux chrétiens; à moins que ce ne soit le contraire. Aussitôt, la paix fragile du village se fissure, les hommes en viennent aux mains et les femmes vont devoir faire preuve d’une imagination sans limites pour freiner l’escalade de la violence.

Pourtant, ce n’est pas un film féministe que ce Et maintenannt on va où? («où allons-nous?» en bon français…) Les femmes se liguent pour conserver la tranquillité… mais après tout, ce sont elles qui passent leur vie à attendre leurs hommes, quand il ne s’agit pas de les pleurer, comme le dit Amale (Nadine Labaki), dans une diatribe qui touche juste. La rupture entre les hommes et les femmes est plutôt le fait de la guerre et de son organisation atavique.

Il y a surtout une autre rupture que le film éclaire en priorité, celle des différences - ici la différence de religion -, premières causes de rejet, premières causes d’explosion. Tout est prétexte à accuser l’autre; la moindre querelle nourrit une vengeance qui balance tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, jusqu’à l’éclatement de la tension. Nadine Labaki le dit avec un humour qui n’exclut ni la gravité des faits, ni la proximité du drame. Elle mesure l’emprise de la passion sur la raison et la fragilité de la paix, mais ajoute que, quelle que soit l’ardeur des ressentiments, on peut s’unir pour leur barrer la route. C’est ce qui rend son film attachant.

Geneviève Praplan

Ancien membre

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Geneviève Praplan 15