Corpo celeste

Affiche Corpo celeste
Réalisé par Alice Rohrwacher
Pays de production Italie, France, Suisse
Année 2011
Durée
Genre Drame
Distributeur Ad Vitam
Acteurs Anita Caprioli, Yle Vianello, Salvatore Cantalupo, Pasqualina Scuncia, Renato Carpentieri
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

«Que veut dire Eli, Eli, lama sabachthani?», demande Marta au vieux prêtre. «C’est un cri, c’est Jésus qui hurle, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» Ce cri résonne en Marta qui scrute sa ville natale de Calabre, où elle vient tout juste de rentrer avec sa mère et sa sœur, après avoir grandi en Suisse. Tourmentée, les yeux brillants, elle observe la ville du haut de ses 13 ans, elle prête attention à ses sons et à ses odeurs, mais elle continue à se sentir comme une étrangère dans cette Italie du Sud dévastée.

Marta a maintenant l’âge de faire sa confirmation et le catéchisme est le meilleur endroit, pense sa mère, pour tenter de s’intégrer. Mais loin de ses rêves «célestes», elle ne fait qu’y découvrir les petits arrangements de la communauté catholique locale, à la morale de laquelle elle va être confrontée. De l’expérience des menstrues à la décision courageuse de se couper les cheveux, Marta commence pour la première fois depuis son retour en Italie à construire sa propre vie.

A côté de la quête existentielle et spirituelle de cette fille si attachante, l’intérêt de ce film tient aussi aux propos et à l’attitude de deux prêtres aux théologies presque opposées, lesquelles vont profondément interpeller la jeune fille. Marta comprend aussi qu’il n’est pas nécessaire de partir très loin puisque le Corps céleste, le monde au-dessus, est déjà là où nous sommes.



Georges Blanc





Alice Rohrwacher, née en Toscane, est diplômée de littérature et de philosophie de l’Université de Turin. CORPO CELESTE est son premier long métrage. Regard sur la fin de l’enfance, regard sur une Italie dévastée, cette œuvre est assez sensible pour ne pas accuser la tristesse dont elle rend compte, sans l’ouvrir sur des perspectives plus réconfortantes.

A 13 ans, Marta (Yle Vianello) a passé presque toute sa vie en Suisse. Or, voilà qu’elle revient dans sa ville natale qu’elle ne connaît pas, avec sa mère et sa sœur aînée. Tout est différent dans ce quartier de Reggio di Calabria qui, vu du toit d’un immeuble, ressemble à un amas de constructions sans âme, déchiré par la cicatrice d’une rivière asséchée servant de décharge publique. L’adolescente doit prendre pied toute seule dans ce nouveau monde, mais aussi dans sa puberté qui s’annonce; sa mère travaille la nuit et sa sœur est trop âgée pour la comprendre. Suivre la préparation à la Confirmation lui donnera l’occasion de se faire des amis. Mais elle s’accroche surtout au texte de la cérémonie, cherchant à en percer le sens.

La réalisatrice peint la solitude de Marta, mais pas seulement. Toute la communauté, resserrée autour de son curé, le Père Mario (Salvatore Cantalupo), semble être une juxtaposition de personnes isolées; chacune fait consciencieusement son devoir, œuvrant sous le signe des rites et des habitudes. Le catéchisme est imposé aux enfants sans explication ni pédagogie. Le prêtre, mal dans sa peau, rêve d’une carrière, ailleurs… Venue de Suisse, Marta dérange avec ses questions.

Dans son champ filmé aux antipodes de l’esthétisme, Alice Rohrwacher pose la fragilité des êtres, leurs tentatives maladroites de surnager. Comme cette volonté de modernisation de la paroisse qui joue du rap pour attirer les jeunes, mais se montre incapable de revisiter son conformisme et de donner un contenu à son rituel. Finalement, tout se jouera entre les trois personnes les plus solitaires du film, Marta, le Père Mario et le vieux prêtre d’un village abandonné qui, lui, n’hésite pas à parler vrai, ouvrant à l’adolescente une nouvelle piste de réflexion.

Cette séquence-là est trop brève en regard du reste. Pourtant, c’est elle qui délie le récit du lieu bétonné - physiquement, socialement et mentalement - dans lequel il a installé Marta, étonnante Yle Vianello qui donne à son personnage une émouvante réalité.

Note: 15



Geneviève Praplan

Ancien membre