This must be the Place

Affiche This must be the Place
Réalisé par Paolo Sorrentino
Pays de production France, Italie, Irlande
Année 2011
Durée
Musique David Byrne, Will Oldham
Genre Drame, Romance
Distributeur ARP Sélection
Acteurs Frances McDormand, Sean Penn, Kerry Condon, Judd Hirsch, Eve Hewson
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

Prix du Jury œcuménique



Le Jury œcuménique - composé de Daniel Grivel, président (Suisse), Gianluca Arnone (Italie), Martin E. Bernal Alonso (Argentine), Christiane Hofmann (France), Françoise Lods (France) et Mikaël Mogren (Suède) - a décerné son Prix au film

THIS MUST BE THE PLACE:

«A travers Cheyenne, rock star déchue et douloureuse, Paolo Sorrentino donne à suivre le voyage intérieur et l’odyssée d’un homme à la recherche de ses racines juives, de la maturité, de la réconciliation et de l’espérance. Drame classique d’une grande richesse et d’une esthétique recherchée, le film ouvre avec grâce des pistes de réflexion graves et profondes.»







Paolo Sorrentino (LES CONSEQUENCES DE L’AMOUR, L’AMI DE LA FAMILLE, IL DIVO) est un réalisateur italien à suivre. Contrairement à Nanni Moretti, qui fait toujours un peu le même film, il explore des pistes très diverses; ici, il aborde le genre du film d’auteur étasunien. A l’enseigne d’une fameuse chanson des Talking Heads, dont les paroles ne sont pas sans importance. Cheyenne (Sean Penn, qui s’est probablement consolé de sa portion congrue dévolue dans THE TREE OF LIFE... et assez étonnant dans son allure de Pierrot lunaire et gothique) est une gloire déchue du rock qui promène d’un pas accablé son ennui et sa déprime à travers Dublin, où sa femme (épatante Frances McDormand) exerce le métier de sapeur-pompier. La mort de son père (à qui il ne parlait plus depuis trente ans) le ramène à New York, et il découvre que son géniteur a passé sa vie à traquer un tortionnaire nazi qui l’avait humilié dans un camp. Suivant la trame du classique road movie, il reprend la quête paternelle à son compte et va tenter de sortir enfin de son infantilisme et d’affronter la vraie vie sans maquillage.

Cette histoire grave contée avec légèreté a touché le Jury œcuménique, qui l’a distinguée par son Prix.

Note: 18



Daniel Grivel





Sous une apparence de farce, le nouveau film de Paolo Sorrentino parle avec finesse des choses graves de la vie. Sean Penn y est épatant.

A Cannes, en 2008, Paolo Sorrentino a obtenu le Prix du Jury pour IL DIVO. Jury dont le président était Sean Penn. Les deux hommes se sont parlé, le premier fantasmant - selon ses dires - sur la possibilité de travailler avec l’acteur américain. THIS MUST BE THE PLACE en est le résultat, étonnant, attachant et Cannes en a une nouvelle fois récompensé l’auteur: Prix du Jury œcuménique.

Cheyenne (Sean Penn) a 50 ans. Cela fait longtemps qu’il a abandonné sa carrière de star du rock qui lui a valu une belle renommée et la richesse. Toujours attifé dans le style gothique de ses années de gloire - rouge à lèvre qui déborde, yeux au charbon et coiffure de chat en colère -, il s’est réfugié en Irlande et s’ennuie à boursicoter, tandis que sa femme (Frances McDormand) exerce le métier très masculin de pompier! A vrai dire, Cheyenne est écrasé par le poids de la culpabilité. Jusqu’au jour où un événement le tire enfin hors de lui-même.

On aurait tort de se laisser dissuader par l’affiche qui fait croire à une histoire de mauvais goût. C’est à une œuvre astucieuse et drôle, mais grave et réflexive qu’elle invite. Il y est question de relations filiales, de responsabilité, des tentacules du passé sur le présent. C’est la première fois que Paolo Sorrentino tourne aux Etats-Unis; heureusement, il ne se laisse pas emporter par la confusion du melting-pot et reste lui-même. On ne s’étonne pas que son scénario ait plu à Sean Penn, qui crée un personnage surprenant. «Les grands acteurs en savent toujours plus sur leur personnage que l’auteur», commente le réalisateur.

A première vue, Cheyenne apparaît comme un détestable fou. Il ne l’est pas le moins du monde. Promenant sa lassitude autour de lui, il révèle une générosité sûre, beaucoup d’intelligence et de lucidité. Le couple qu’il forme avec Jane est burlesque, mais solide. Lorsqu’il sort enfin de sa vacuité existentielle - après une mise en place un peu trop longue -, c’est pour suivre Sorrentino dans une façon inattendue d’aborder l’Holocauste. Leur voyage énumère les vieux démons des Etats-Unis, ses terrains vagues et ses misères. Cheyenne a le temps. Il passe, s’arrête, écoute et compatit, à l’aise partout où il se trouve, prouvant ainsi qu’il est bien plus adulte qu’il ne veut le laisser croire. Sa rédemption sera belle, grâce à Sean Penn.

Grâce aussi aux excellents acteurs qui l’entourent - Frances McDormand, notamment. Grâce enfin à la qualité de la mise en scène, toujours innovante sans prendre le pas sur l’histoire, toujours colorée, fidèle au parti pris burlesque du film mais avec un souci de discrétion. Les protagonistes y trouvent la place qui leur convient. Les dialogues sont restreints, pourquoi en dire beaucoup quand on sait choisir ses mots? L’intelligence du propos, la richesse de la thématique leur donne leur résonance, petites phrases anodines, toute simples, qui tombent sans bruit, là où il faut.

Note: 15



Geneviève Praplan





Le titre du film est celui d’une chanson («mélodie naïve») des Talking Heads, dont Cheyenne rencontre le chanteur David Byrne. Les paroles expriment une dérive mélancolique et nostalgique: Mon chez moi, c’est là où je veux être....

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