Cirkus Columbia

Danis Tanovic avait 23 ans lorsque la guerre a éclaté en Bosnie. Comment s’étonner qu’il en fasse son sujet privilégié, sinon son obsession. Cirkus Columbia, son troisième film, se situe comme en suspension à la veille du conflit. Le réalisateur évoque les «histoires communes des personnages ordinaires à l’orée de grands changements historiques. Je voulais montrer leur inconscience dans cet espace pourtant mince entre la paix et la guerre.»

En 1991, Divko (Miki Manojlovic) revient au pays après des années d’exil en Allemagne. Il en ramène la fortune, une fiancée Azra (Jelena Stupljanin) de vingt ans sa cadette et Bonny, un chat noir qui lui porte bonheur. Dans sa ville, il compte s’installer dans la maison de ses parents. Mais pour cela, il doit déloger son épouse légitime Lucija (Mira Furlan) et son fils Martin (Boris Ler). Celui-ci, grand garçon plutôt naïf, se trouve rapidement déboussolé entre son père, sa mère et sa future belle-mère.

Tout est sérieux et rien ne l’est dans cette affaire, tant le réalisateur la met à distance avec son humour et sa formidable direction d’acteurs. Dans l’esprit d’Emir Kusturica, mais plus fin et plus vraisemblable, le scénario forge une véritable présence à chacun des protagonistes. Leur place dans la petite communauté se trouve exactement au point qu’il faut pour donner la mesure de l’embrouillamini des relations et leur «innocence» dans le déclenchement imminent du conflit. Et tandis que la guerre se retient au-dessus d’un paysage splendide, ces hommes et ces femmes, qui refusent de croire à la menace, laissent lentement leur vie s’enfoncer dans le désastre.