Impunity

Voilà trois ans, le premier long métrage documentaire de Juan Jose Lozano et Hollman Morris, TEMOIN INDESIRABLE (voir CF n. 579), avait fait sensation, attirant l’attention sur les conséquences de la guerre civile en Colombie. Malgré le fait que, depuis 2005, un processus ait été mis en place au nom de la loi N° 975 nommée «Justice et paix», les familles des milliers de victimes des groupes paramilitaires se sentent impuissantes face aux criminels comparaissant publiquement en tribunal et assurés de peines réduites en cas d’aveux.

Le bien intitulé IMPUNITY s’attache donc à montrer comment les chefs parviennent à esquiver les accusations. Le séquence d’ouverture du film donne le ton: plan fixe sur une jeune femme dont le petit frère de 12 ans a été décapité et qui, traumatisée, juge irréparable tout le mal qui a été fait.

Habilement monté, le documentaire fait alterner images d’archives et portraits. Les exactions des paramilitaires - tortures, démembrements, assassinats sommaires, combustion de cadavres, recours à des fosses communes - sont énumérées et dénoncées, mais souvent niées ou justifiées par des inculpés prétendant avoir obéi aux ordres et/ou avoir agi pour une cause idéologique. On voit de nombreux fonctionnaires de bonne volonté engagés dans le processus d’élucidation, mais on entend aussi les officiels se glorifiant d’une démarche sans précédent, comparée à ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie notamment. On réalise que de puissants groupes de pression politiques et économiques (latifundistes locaux, grandes sociétés de l’agro-alimentaire) œuvrent efficacement dans l’ombre. Et l’on comprend que les auteurs du film aient été menacés de mort en cours de tournage.

Aujourd’hui encore, le Département fédéral des affaires étrangères déconseille aux voyageurs de s’aventurer hors des grandes villes et des zones touristiques, et d’éviter les secteurs glauques. L’insécurité règne dans les régions rurales, les enlèvements pour rançon ne sont pas rares. IMPUNITY, non sans courage, présente d’humbles citoyens qui, dans la dignité et généralement sans vindicte, réclament la paix, certes, mais surtout la justice. Mais, comme dit la chanson, «qu’il est long, le chemin»...

Note: 13



N.B.: Juste une petite pique en passant: on se gausse volontiers du ton dit pastoral de certains ministres - mais que dire de celui de certains locuteurs du commentaire off de certains documentaires?...