Women without Men

Affiche Women without Men
Réalisé par Shirin Neshat
Pays de production Iran, Allemagne, Autriche, France, Italie, Ukraine
Année 2009
Durée
Musique Ryuichi Sakamoto
Genre Historique, Drame
Distributeur KMBO
Acteurs Orsolya Toth, Shabnam Tolouei, Arita Shahrzad, Pegah Ferydoni, Mehdi Moinzadeh
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 634
Bande annonce (Allociné)

Critique

Belle première œuvre de l’artiste iranienne, ce film se donne deux horizons; la politique iranienne des années 50 et la situation de la femme musulmane.

Intelligent et beau, WOMEN WITHOUT MEN arrive d’Iran et porte en lui les prémices d’une modernité qui cherche aujourd’hui toujours à s’affirmer. Le décor est celui du coup d’Etat de 1953, par lequel les Etats-Unis destituent le premier ministre du Shah, le nationaliste Mohammad Mossadegh, au profit du général Zahedi, plus favorable à leurs besoins en pétrole. Mais l’histoire est là pour rappeler que la révolution en Iran est une affaire très ancienne, pour la politique, mais aussi pour les femmes.

Dans un Téhéran bouleversé par ces événements, quatre femmes suivent, chacune à sa manière, la trajectoire que leur impose la tradition arabe. Zarin (Orsolya Tóth) ne supporte plus son travail de prostituée; maigre à faire peur, elle rassemble ses dernières forces et s’enfuit. Forcée au mariage par son frère, Faezeh (Pegah Ferydoni) s’émancipe par le suicide. Violée, son amie Munis (Shabnam Tolouei) cherche un asile après avoir été rejetée. Fakhri (Arita Shahrzad), riche et cultivée, décide de quitter un mari qui l’humilie pour s’installer dans un magnifique verger.

Shirin Neshat est artiste, vidéaste et photographe. Née en 1957, elle a quitté l’Iran pour faire ses études aux Etats-Unis où elle vit toujours. Son premier film s’inspire d’une nouvelle de Shahrnush Parsipur, une autre Iranienne. WOMEN WITHOUT MEN est une allégorie qui évoque la difficile position sociale de la femme en Iran. Une allégorie… C’est dire que le parti choisi n’est pas celui de la polémique, mais celui de l’illustration, dans toute sa complexité, d’une réalité qui perdure, celle de la femme soumise à des injustices inamovibles.

Au moins deux des protagonistes réussissent à se libérer sur le plan psychologique du carcan que leur imposent les hommes. Cela grâce à la connaissance. La politique et la vie du pays passionnent Faezeh qui les capte par la radio. Fakhri est artiste et connaît les poètes. En revanche, Zarin et Munis sont prisonnières, l’une de son métier, l’autre des forces religieuses auxquelles elle adhère toujours. Le verger de Fakhri, dans lequel toutes deux se réfugient, symbolise la paix qu’elles tentent d’atteindre en dépit de leurs craintes et de leurs espoirs déçus, sachant qu’elles prendront le risque de se révéler à elles-mêmes.

Femmes d’avant et femmes d’aujourd’hui; révolution d’avant et révolution d’après, la chronologie se dilue dans la symbolique. Comme se dilue le désir de voir le verger sauver l’indépendance des premières et des secondes. Car rien n’est simple, la réalisatrice insiste sur ce point en allant au bout de chacun des itinéraires féminins.

Du point de vue formel, Shirin Neshat opte pour un style très esthétique - voire esthétisant - et joue beaucoup avec le camaïeu. Les séquences sur les manifestations de rue sont rendues en sépia pour rappeler des scènes d’archives. Le verger, lui, est surexposé, baigné d’une lumière idéale, presque surnaturelle. Jamais d’éclats, peu de dialogues, des images extrêmement construites. L’œuvre tend à élever au même rang la force du message et la qualité plastique, la sociologie et la poésie. Mais son lyrisme n’efface pas la gravité de la cause et laisse un arrière-goût amer.

Note: 15

Geneviève Praplan