Novembre

Affiche Novembre
Réalisé par Abel Davoine
Pays de production
Année 1998
Durée
Genre Divers
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 633

Critique

Une vieille femme, nonagénaire, descend lentement les marches grinçantes d’un escalier en bois. Un homme, la soixantaine, le visage dissimulé par une barbe et de longs cheveux grisonnants, va et vient, rôde dans la forêt et donne l’impression de vouloir échapper à la caméra. Le film démarre sur de très longs plans-séquences, le rythme est lent, nous voilà avertis: tout va se dérouler ainsi, au fil des semaines, dans cette ancienne maison familiale des environs de Ferrette, un petit village accroché aux contreforts du Jura français.

On découvrira qu’il s’agit d’une mère et de son fils, qu’ils vivent à l’ombre d’un quotidien fait de rituels tristounets et immuables, les seules tentatives d’échange (avorté) entre eux se limitant à des évocations confuses du passé familial, où circulent récits ou légendes, émaillés de commentaires sur des photos, des tableaux ou des portraits accrochés aux murs. Tous deux s’expriment mal, les discours sont parallèles et chacun tient des propos immédiatement démentis par l’autre. Deux êtres que tout semble séparer, mais que rien, assurément, ne séparera jamais…

Le documentaire d’Abel Davoine essaie de traduire en images cette tension constante entre une mère et son fils qui cherchent à se rejoindre, mais qui n’y parviendront sans doute pas, parce qu’il est trop tard. NOVEMBRE enregistre les gestes, s’accroche aux errances de la mémoire, aux balbutiements répétés d’histoires dont les versions diffèrent. Le film semble aller à la recherche de bribes de vie, de détails qui pourraient être les éléments constitutifs de deux portraits. Mais non: la mémoire fait défaut, la fabulation fait le reste, on glisse profondément dans l’obscurité et la solitude. Le sentiment du temps qui passe (et a déjà passé) accompagne chaque plan, un montage déconstruit et une lumière souvent absente accentuent encore ce sentiment de confusion, ajoutant au flou d’une histoire familiale qui bute sur les mêmes non-dits, les mêmes contradictions.

On ne remontera pas le temps. Tout semble déjà joué dans ces existences, et la curiosité du spectateur s’émousse en cours de route. Documentaire au ton sans doute original, sans concession, émouvant même par instants mais pas toujours très convaincant, NOVEMBRE est un film du crépuscule qui tente, au-delà de l’écoulement nostalgique des saisons et des années, de donner un peu de sens à une histoire familiale qui paraît ne plus en avoir…

Note: 12

Antoine Rochat