Couleurs de la montagne (Les)

Affiche Couleurs de la montagne (Les)
Réalisé par Carlos César Arbeláez
Pays de production Colombie
Année 2010
Durée
Genre Drame
Distributeur Gebeka Films
Acteurs Hernán Méndez, Hernán Ocampo, Genaro Aristizábal, Nolberto Sánchez, Natalia Cuéllar
N° cinéfeuilles 633
Bande annonce (Allociné)

Critique

Ce premier long métrage, petit bijou signé par un documentariste, raconte une communauté écrasée par la guérilla en posant un regard naturaliste sur les enfants.

Manuel (Hernán Mauricio Ocampo) vit dans un village de montagne. Une nouvelle institutrice vient d’arriver. L’école reprend et le petit garçon va pouvoir recommencer à dessiner. Son autre passion: c’est jouer au football avec ses amis. Pour ses 9 ans, ses parents lui offrent un ballon et des gants de gardien. Mais un jour le ballon sort du terrain et tombe sur un champ de mines. Avec ses copains, Julián (Nolberto Sánchez) et Poca Luz (Genaro Aristizábal), il complote pour le récupérer. L’opération est très risquée, le danger est partout autour du village, pris en otage par la guérilla.

Le réalisateur a grandi en Colombie, pas loin de ces montagnes qu’il a fixées sur la pellicule. «Le film est né d’une idée ténue, ou plutôt d’une image, celle d’un garçon de la campagne qui veut savoir ce qui se cache derrière la montagne… Alors que nous travaillions sur le scénario et sans doute à cause du ton documentaire qui entourait cette narration, la dure réalité de l’actualité colombienne s’est petit à petit immiscée dans la fiction. Loin de moi l’idée de réaliser un film pour expliquer le conflit armé, ni même la situation politique qui étreint mon pays. Je me suis concentré sur la situation dramatique qui est vécue par les populations civiles. Le sujet du film porte avant tout sur les hommes en général.»

A 43 ans, Carlos César Arbeláez signe, avec LES COULEURS DE LA MONTAGNE, son premier long métrage de fiction. Le travail de documentariste auquel il s’est consacré jusqu’ici est totalement présent dans cette œuvre que la caméra semble laisser se développer, presque malgré elle. Un tournage réduit au strict minimum, des acteurs non professionnels, originaires de la région et sélectionnés lors d’un casting qui a duré près de deux ans… c’est dire, déjà, le souci de l’auteur de donner un reflet aussi juste que possible de la réalité.

Le point de vue est celui des enfants. Cela repousse le drame au second plan et la violence se situe toujours en dehors du cadre. On pourrait en déduire qu’il ne se passe rien, rien d’autre que des jeux et des leçons de mathématiques. Pourtant, la sourde menace qui écrase les adultes est perçue par les jeunes footballeurs qui s’y retrouvent constamment confrontés. Lorsque leur terrain de jeu est occupé par des hommes en treillis, par exemple. Lorsque le ballon tombe sur le champ de mines. Lorsque ses camarades d’école disparaissent, sans qu’on explique où ils vont. Pour Manuel, les deuils se succèdent, il constate et il encaisse, tant bien que mal.

Les personnages, complètement pris dans le décor, semblent captés par hasard, parfois parmi les hautes herbes, parfois par l’étroit espace d’une porte entrouverte. Les objets, les gestes quotidiens peignent une façon de vivre; les conversations attrapées ici et là, l’effectif en diminution de la classe, les hommes qui se cachent rappellent le drame qui se joue. Arbeláez a choisi la pudeur pour dire le déchirement, et le regard objectif pour peindre la communauté villageoise. Sous sa direction exemplaire, les acteurs font le reste, avec toute la poésie liée à l’enfance.

Note: 18

Geneviève Praplan



Le Jury œcuménique du Festival de films de Fribourg, composé de Natale Fritz (Suisse), Marianne Gujer (Suisse), Marek Lis (Pologne), président, et Paulette Queyroy (France), a décerné son prix à LES COULEURS DE LA MONTAGNE. «Par les yeux du petit Manuel, ce film dénonce la situation de la population rurale colombienne. Prises en tenaille entre les forces paramilitaires et la guérilla, les familles vivent dans une insécurité croissante qui les pousse à quitter leur terre les unes après les autres. Et pourtant, les jeux des enfants, leur solidarité, l’espérance apportée par une institutrice courageuse qui cherche à préserver un territoire de paix, expriment le rêve que la montagne puisse garder ses couleurs. Et Manuel réussit à emporter avec lui son ballon, symbole du lien avec son père assassiné, de l’amitié de ses camarades, de la vie qui pourra continuer ailleurs.» Le prix de 5’000 francs est donné conjointement par les deux organismes d’entraide Action de Carême (catholique) et Pain pour le prochain (réformé) au réalisateur ou à la réalisatrice dont le film en compétition reflète le mieux les critères auxquels se réfère l’action de ces deux organismes dans le domaine de la coopération Nord-Sud.

Antoine Rochat

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