Même la pluie

Affiche Même la pluie
Réalisé par Icíar Bollaín
Pays de production Espagne, Mexique, France
Année 2010
Durée
Musique Alberto Iglesias
Genre Drame, Historique
Distributeur filmcoopi
Acteurs Gael García Bernal, Luis Tosar, Raúl Arévalo, Carlos Aduviri, Carlos Santos
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 631
Bande annonce (Allociné)

Critique

Sur fond historique - le tournage d’un long métrage sur Christophe Colomb -, la cinéaste Iciar Bollain propose une réflexion plus large sur la Bolivie d’aujourd’hui. Un film intéressant, bien maîtrisé, et qui peut se lire à plusieurs niveaux.

Sebastian (Gael Garcia Bernal), jeune réalisateur espagnol, et Costa (Luis Tosar), son producteur, s’installent dans les montagnes boliviennes pour y entamer la réalisation d’un film. Tous les techniciens sont là, les budgets de production sont serrés et Costa se félicite de pouvoir embaucher des figurants locaux à 2 dollars la journée… Mais dès les premiers tours de manivelle diverses tensions s’installent: l’un des principaux figurants, Hatuey (Juan Carlos Adurivi), mène une révolte contre les autorités politiques locales qui souhaitent privatiser l’eau («même la pluie»...) mise à disposition des habitants de la ville. Costa et Sebastian se trouvent dès lors emportés par les événements et la lutte d’un peuple pour sa survie. Ils devront choisir entre soutenir cette cause ou poursuivre le tournage.

Le film nous apprend qu’à Cochabamba, troisième ville la plus importante de Bolivie, le service d’eau n’était assuré, à la fin des années 90, que quelques heures par jour. Même la pluie revient sur les manifestations qui, en avril 2000, ont enflammé les rues de la ville et entraîné une sévère répression policière et militaire. L’état d’urgence avait été instauré. Objet de la révolte, l’eau, son prix et sa propriété. Au terme des protestations, la rue avait obtenu gain de cause.

La cinéaste espagnole Iciar Bollain - on lui doit trois autres films, dont l’excellent Ne dis rien (2003) - dit avoir eu l’intention de tourner un long métrage historique sur l’arrivée de Christophe Colomb dans le «Nouveau Monde» et sur les premiers conflits avec les Indiens. Le personnage central devait être Bartolomé de Las Casas, prêtre dominicain célèbre pour avoir dénoncé les pratiques des colons espagnols et défendu les droits des indigènes. L’orientation du film s’est modifiée par la suite, sous l’influence du scénariste Paul Laverty (huit films avec Ken Loach, une référence!), qui souhaitait donner, dans ce récit, une place à l’histoire contemporaine de la Bolivie.

Le scénario de Même la pluie est riche et original, et sa lecture peut se faire à trois niveaux: celui des exactions commises par les conquistadores espagnols du XVIe siècle, celui des aléas de la réalisation d’un film (défections des figurants, frictions entre les acteurs, difficultés matérielles du tournage, etc.) et enfin celui des conflits politiques et sociaux de la Bolivie d’aujourd’hui, avec les implications personnelles qu’elles entraîneront pour chaque individu. Le passage d’un niveau à l’autre se fait harmonieusement, la cinéaste ayant parfaitement réussi à maîtriser le récit et à en conserver sa fluidité, en recourant parfois au noir-blanc d’une caméra vidéo enregistrant des scènes de tournage, permettant ainsi de distinguer clairement les différents niveaux de lecture et les variations de points de vue.

Iciar Bollain a le sens du cinéma, tient bien en mains son monde et maîtrise parfaitement la mise en scène. Les personnages sont nombreux et les protagonistes principaux, dans les dernières scènes, connaissent des trajectoires fortement personnalisées. Les dialogues sont concis et les personnages qui s’affrontent, souvent violemment, sont décrits avec netteté. L’interprétation de tous les acteurs et figurants est d’ailleurs excellente (on se rappelle qu’Iciar Bollain a été longtemps comédienne avant de passer derrière la caméra), et l’intérêt du film ne faiblit jamais.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 15
Daniel Grivel 15