Paysage intérieur (Le)

Affiche Paysage intérieur (Le)
Réalisé par Pierre Maillard
Pays de production
Genre Divers
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 624

Critique

Inauguré en grande pompe voilà quelques mois, le Rolex Learning Center est le joyau de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. L’édifice, véritable sculpture architecturale, ne passe pas inaperçu malgré sa parfaite intégration au terrain; il résulte d’un concours international lancé en 2004.

Une douzaine de projets avaient été présentés, notamment par des «pointures» telles que Jean Nouvel et Rem Koolhaas: des projets marquant la place de la science avec un certain triomphalisme. Ce sont finalement les intentions novatrices des japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa qui l’ont emporté, et c’est tant mieux.

Pierre Maillard (né à Genève en 1954), qui a à son actif six longs métrages de fiction et quatre importants documentaires, s’est passionné pour l’extraordinaire aventure humaine et collective qu’a représenté la construction de ce vaste espace ouvert (dans tous les sens du terme) à la connaissance, puisque la bibliothèque abrite l’une des plus grandes collections scientifiques d’Europe, des lieux d’enseignement accueillent des séminaires, et les restaurants sont accessibles au public.

De 2007 à 2010, le cinéaste a suivi l’évolution des travaux. Il commence par montrer le terrain vague de 88’000 m2 où poussent des berces, les premiers coups de pelleteuse, le ballet des camions-bétonnières, les défis techniques qu’ont dû relever les ingénieurs et les maîtres d’état. Le bâtiment se compose de deux coques, la plus grande reposant sur des arcs de 55 à 90 mètres de long: on imagine la prouesse que représente un voile en béton de cette envergure.

Mais, au-delà des matériaux et de l’architecture, filmés avec une grande élégance (mention spéciale pour la musique de Michel Wintsch accompagnant les plans généraux), Pierre Maillard s’est intéressé aux hommes (et aux femmes! Yumiko Yamada a été la cheville ouvrière de l’aventure, assurant l’interface entre le bureau japonais et le chantier) qui ont œuvré à Ecublens. Il a filmé avec respect le savoir-faire et les tours de main, les relations interpersonnelles, la dynamique des séances de travail, les impressions d’une vieille dame habitant un petit locatif tout proche, la visite du Conseil fédéral, avec un Samuel Schmid à l’air absent...

Ainsi, le film ne se perd pas dans les chiffres. On apprend que la réalisation du projet a coûté 110 millions de francs, mais les noms des principaux partenaires est à peine mentionné; tout au plus réalise-t-on que peu de maisons suisses auraient été en mesure d’assumer des travaux aussi singuliers, sinon une entreprise membre du Groupe Bouygues.

Freddy Buache regrettait jadis que Jean-Luc Godard, dans OPERATION BETON, se soit fait le chantre d’un patronat conquérant et peu respectueux de l’environnement. Avec LE PAYSAGE INTERIEUR, Pierre Maillard livre, comme il l’appelle, un documentaire de création - un film d’auteur où l’élément humain transcende la matière.

Note: 16

Daniel Grivel