Agora

Affiche Agora
Réalisé par Alejandro Amenábar
Pays de production Espagne
Année 2009
Durée
Musique Dario Marianelli
Genre Drame, Aventure, Historique
Distributeur Mars Distribution
Acteurs Rachel Weisz, Rupert Evans, Ashraf Barhom, Oscar Isaac, Max Minghella
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 624
Bande annonce (Allociné)

Critique

Présenté hors compétition au Festival de Cannes 2009, Agora avait surpris. Pouvait-on en effet s’attendre à ce que l’auteur de The Others (film fantastique, 2001) et de Mar Adentro (mélodrame intimiste, 2004) réalise une gigantesque fresque historique dont l’action se situe à Alexandrie entre les IVe et Ve siècles après J.-C.? Superproduction européenne à part entière (un budget de 50 à 70 millions d’euros), tournée en anglais à Malte, Agora pourrait se définir comme un péplum philosophique.

On est donc à Alexandrie, cité cosmopolite au croisement des métissages (langues et cultures) et des influences (égyptiennes, gréco-romaines, judéo-chrétiennes), sous domination romaine. Personnage historique central, une brillante astronome grecque, Hypatie (Rachel Weisz), fille de Théon (Michael Lonsdale), le dernier directeur de la célèbre bibliothèque de la ville. Une femme passionnée par la science, une enseignante qui, à une époque perturbée par des conflits politiques et religieux - la révolte de chrétiens gronde - a poussé ses recherches dans l’étude de l’univers et tenté de percer le mystère du cosmos. Elle sera emportée par les troubles et deviendra une véritable martyre, lapidée à 45 ans par une milice composée de moines extrémistes et de chrétiens fanatiques se considérant comme les gardiens de l’ordre moral. Des extrémistes qui font parfois penser, par leur intransigeance, aux talibans… Hypatie apparaît, elle, comme un personnage qui a su prendre une forme de distance et de hauteur vis-à-vis des événements, en se posant la question de savoir qui l’on est, d’où l’on vient et quel est le sens de la vie.

Le film est construit sur plusieurs niveaux. D’abord celui, historique, des événements, des différents courants religieux (païens, chrétiens et israélites) qui s’affrontent jusqu’à faire couler le sang. Ensuite un niveau scientifique, Hypatie poursuivant ses recherches sur le fonctionnement du cosmos, sur les orbites de la terre et du soleil, avec des références à Aristarque et à Ptolémée. Le cinéaste a su ménager des séquences «hors action», qui permettent de faire clairement le point de la démarche de la mathématicienne. Enfin il y a une place importante donnée à Hypatie elle-même, une femme qui vit à contre-courant de son époque, qui a une vie intime, des amours: autour d’elle se croisent Oreste (Oscar Isaac), jeune aristocrate romain qui deviendra préfet, et Davus (Max Minghella), esclave chrétien, tous deux se disputant les faveurs d’Hypatie. Et l’on rencontre aussi Synesius (Rupert Evans), disciple de l’astronome, qui deviendra évêque de Cyrène, et Ammonius (Ashraf Barhom), le milicien extrémiste qui arrêtera Davus… Tous ces niveaux de lecture s’interpénètrent ou se font face, créant une constante variation dans la tonalité et le rythme des scènes. Parfois au détriment de l’unité du propos, surtout si le spectateur n’est pas très attentif…

Alejandro Amenabar laisse assez explicitement entendre qu’il y a bien des rapprochements à faire entre l’époque qu’il décrit et la nôtre: Alexandrie se présente comme le symbole d’un monde en transformation rapide, menacé par différentes factions intolérantes, principalement religieuses (le portrait des chrétiens, présentés comme des ennemis de la science, n’est pas toujours flatteur…) AGORA part ainsi en guerre contre tous les fondamentalismes: «Je ne cible aucune religion en particulier, dit le cinéaste. Je fustige ceux qui utilisent le prétexte de la religion et qui sont prêts à tuer pour défendre leurs idées.» De bout en bout, le spectateur doit se questionner, se repositionner: de quel côté aurait-on été? L’être humain, de toute façon, apparaît bien petit (voir les très belles séquences de vue aérienne où les hommes apparaissent comme d’insignifiantes fourmis…)

Mélange de rigueur et de grand spectacle, Agora est un film intelligent, une production ambitieuse qui s’inspire de faits et de personnages historiques. Des personnages crédibles, des scènes réalistes dans le bon sens du terme, où la caméra donne parfois l’impression, dans le déroulement des événements, de ne pas réussir à tout capter - comme dans un documentaire où il s’agit de faire au mieux, de prendre les événements sur le vif, parfois au détriment de la qualité de l’image. Le cinéaste ne cherche pas le spectaculaire, ou le traite en tous cas avec distance, sans user de l’émotion facile. Reste une forme de complexité: «Mon film est à la fois vieux et contemporain, suffisamment ouvert à la réflexion.» En clair, Agora ne s’affiche pas comme un blockbuster hollywoodien épique, simpliste et accrocheur. Soit. Encore faut-il réussir à prendre du recul et à se glisser derrière les images. Ce qui n’est pas toujours aisé…

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Georges Blanc 13
Daniel Grivel 14
Antoine Rochat 14
Geneviève Praplan 14