Guru - Bhagwan

Affiche Guru - Bhagwan
Réalisé par Sabine Gisiger, Beat Häner
Pays de production Suisse
Année 2010
Durée
Musique Marcel Vaid
Genre Documentaire
Acteurs Sheela Birnstiel, Hugh Milne
N° cinéfeuilles 623

Critique

Les documentaristes suisses Sabine Gisiger et Beat Häner étaient des gamins d’une dizaine d’années lorsque, au début des années 70, des milliers de jeunes Occidentaux se mirent en quête d’une nouvelle conscience, de spiritualité et de libération sexuelle. L’une de leurs icônes - pour ne pas dire idole -, dont la bonne parole était alors propagée par des cassettes audio, s’appelait Bhagwan Shree Rajneesh (il se fit ensuite appeler Osho, jusqu’à sa mort en 1990 dans son ashram indien de Poona).

Les réalisateurs ont été fascinés par ce personnage ambigu qui, d’un côté, affichait une spiritualité élevée et, de l’autre, amassait des millions et rêvait d’entrer dans le livre des records grâce à sa collection de 27 Rolls Royce... Ils ont enquêté, rassemblant de nombreux documents d’archives et recueillant le témoignage de deux très proches collaborateurs du gourou, Sheela Birnstiel (compatriote devenue son bras droit) et Hugh Milne, son ex-garde du corps. L’ambiguïté se retrouve dans la destinée de ces deux personnages: la première, aujourd’hui âgée de 60 ans, dirige dans la campagne bâloise deux homes - reconnus par l’Etat - pour personnes âgées et pour polyhandicapés où l’effigie de Bhagwan figure en bonne place; le second, issu d’une famille d’ostéopathes écossais, ayant totalement rompu avec «le dieu qui a échoué» (pour reprendre le titre de l’un de ses livres), est revenu à ses premières amours et fait autorité dans la thérapie cranio-sacrale.

Au départ, Bhagwan était un agrégé de philosophie, professeur dans deux universités. Dans la mouvance de la contre-culture, considérant que l’être humain est un spiritualiste matérialiste, il a inventé la «méditation dynamique» destinée à libérer le corps et l’esprit. Peut-être a-t-il poussé la libération si loin qu’il a été surnommé aux Etats-Unis le sex guru... Il fonde en 1981 en Oregon (sur un domaine de 25’000 hectares payé 5 millions de dollars par Sheela) une communauté qu’il rêve de transformer en Etat autonome, régnant d’une main de fer sur ses adeptes (conversations téléphoniques et sorties surveillées, etc.) Son mot d’ordre était: «Rends-toi à moi, et je te transformerai.» Il a abondamment publié.

Le documentaire insiste sur les aspects controversés du personnage et de son mouvement, qui a ultérieurement contribué à l’essor du New Age. Manipulations financières, fraude électorale, tentative d’empoisonnement, assassinat, rapports sexuels avec des mineurs, on en passe... L’apparition de Bhagwan shooté au valium et au gaz hilarant (il souffrait de maux de dos) est pathétique.

Le printemps dernier, Visions du Réel (prochaine édition: 7-13 avril 2011) a présenté le documentaire helvétique. Le débat qui suivit la projection fut pour le moins houleux: il y avait quelques sannyasins (disciples) dans le public, et le moins que l’on puisse dire, c’est que, mis à part l’un d’entre eux, ils n’étaient pas particulièrement iréniques.

Le documentaire, fruit d’un gros travail de recherche, met peut-être le doigt où ça fait mal. Il se suit en tout cas comme un bon polar.

Note: 14

Daniel Grivel