Prud'hommes

Stéphane Goël nous immerge dans une juridiction spécifique instituée au XIXe siècle pour régler les conflits de travail entre employeurs et employés, le Tribunal de prud’hommes. On y voit à l’œuvre une justice rapide, gratuite, accessible à tous, dont la procédure simplifiée est essentiellement orale. Nous assistons aux confrontations qui expriment toutes les tensions, souffrances et révoltes vécues dans le monde du travail.

Cofondateur avec Fernand Melgar et Alex Mayenfisch de la maison de production lausannoise CLIMAGE, Stéphane Goël est l’auteur de nombreux reportages pour la télévision et de documentaires tels LE CREPUSCILE DES CELTES (2008), QUE VIVA MAURICIO DEMIERRE (2006), SUR LES TRACES DES PHARAONS NOIRS (2005)… Après Pierre-François Sauter (FACE AU JUGE en 2009) et à l’heure où Temps Présent pose ses caméras à l’intérieur du Tribunal des mineurs de Fribourg, c’est grâce à la volonté de transparence de l’Ordre judiciaire vaudois qu’il a obtenu l’autorisation de filmer pendant près d’un an et avec la plus grande liberté les audiences du Tribunal de prud’hommes de Lausanne. A la condition expresse d’avoir pour chaque affaire l’accord de toutes les parties en présence.

Stéphane Goël ne se contente pas de filmer les audiences; il saisit les protagonistes dans les pas-perdus du tribunal lors des suspensions d’audience, ces moments charnières de détente et d’angoisse, murmures, conciliabules, tentatives de conciliation. Il suit également les travailleurs à l’extérieur lors de leurs démarches pour obtenir appui et conseil. Et il n’oublie pas de capter les regards scrutateurs de l’huissier, personnage incontournable en coulisses…

Le propos du réalisateur n’est pas de chercher à décoder les rouages de ce système judiciaire ni de nous donner un cours sur le droit du travail. S’il a choisi ce poste d’observateur privilégié à l’intérieur d’un tribunal, c’est pour pénétrer au cœur des conflits qui opposent employeurs et employés et pour rendre compte au mieux de la réalité du monde du travail ici et maintenant. Il capte de l’intérieur le théâtre humain qui se joue là. Il livre avec empathie et respect une galerie de portraits révélatrice des drames qui se nouent jour après jour au travail.

Ce qui ressort de cette sélection d’histoires fortes, émouvantes, parfois drôles et cocasses, c’est le désarroi de beaucoup. Si la plupart recourent au tribunal pour obtenir une réparation financière, c’est, plus fondamentalement, pour faire entendre leur voix, dans l’espoir d’être écoutés, reconnus. Reconnus comme travailleurs et comme personnes.

Au-delà des anecdotes se dessinent des rapports humains marqués par la frustration, la déception, la souffrance, voire les abus. Dans un monde du travail en pleine mutation, sous la pression de l’économie et de la mondialisation, tant pour les patrons de PME que pour leurs employés. Avec pour pain quotidien un fort sentiment d’impuissance.

Pas une seconde d’ennui durant les 85 minutes de ce documentaire passionnant.

Note: 18