Miral

Affiche Miral
Réalisé par Julian Schnabel
Pays de production Israël, France, Italie, Inde
Année 2010
Durée
Genre Drame
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs Hiam Abbass, Yasmine Elmasri, Freida Pinto, Ruba Blal, Alexander Siddig
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 620
Bande annonce (Allociné)

Critique

Ce film nuancé invite à dépasser les clichés sur le conflit israélo-palestinien, notamment à travers l’évolution sensible d’une jeune femme et de celle qui fut son mentor.

Inspiré du livre éponyme de Rula Jebreal, ce film relate de façon fragmentaire quelques temps forts de l’histoire dramatique de cette région du Moyen-Orient. Il commence par rappeler l’œuvre d’une femme de compassion, Hind Husseini, qui crée, en avril 1948, à Jérusalem, l’Institut Dar Al Tifel, un pensionnat pour enfants palestiniens qu’elle recueille. Trente ans plus tard, Miral, une petite fille de 5 ans est amenée par son père - la maman vient de se suicider - dans cet «oasis» d’éducation que «Maman Hind» (interprétée par Hiam Abbass, excellente) dirige avec détermination. Cette dernière est en effet convaincue de la valeur de l’éducation comme unique ferment d’une paix durable. «La différence entre toi et les jeunes des camps de réfugiés, c’est cette école», dira-t-elle un jour à Miral qui retiendra la leçon. Toutefois, lorsqu’éclate en décembre 1987 la révolte des pierres, l’Intifada, dans les territoires occupés, cela n’empêche pas cette jeune fille de 17 ans - à laquelle Freida Pinto qui débuta dans SLUMDOG MILLIONAIRE prête ses traits - de faire sienne la colère du peuple palestinien auquel elle appartient et de flirter dangereusement avec l’engage-ment politique, d’autant plus qu’elle s’éprend d’un jeune militant.

C’est donc au travers de portraits de femmes que Julian Schnabel, à qui l’on devait l’étonnant SCAPHANDRE ET LE PAPILLON, revient sur une histoire politique qui n’a toujours pas trouvé son dénouement. Retrait israélien et paix définitive se font toujours attendre malgré les Accords de paix signés à Oslo en 1993 et prévoyant un plan de cinq ans pour une autonomie partielle de la Palestine. Hind Husseini rêvait d’un Etat palestinien, elle n’en aura connu que sa création virtuelle avant sa mort survenue en septembre 1994.

Le détour que mérite MIRAL tient à son traitement, malgré le fait que son réalisateur peine à choisir un unique point de vue, celui de Miral par exemple. Schnabel a néanmoins réussi à ne pas porter un regard manichéen sur ce sujet sensible et su s’entourer durant le tournage d’une équipe constituée de Palestiniens et d’Israéliens. Il tente de faire comprendre comment on fait pour grandir dans un monde où le terme même d’«avenir» semble avoir perdu tout sens, où la frustration et la colère menacent continuellement de submerger l’individu et de rendre la violence inéluctable. Et pour cela, plutôt que de montrer avec complaisance les violences et les exactions commises, sans parler des souffrances qui en découlent, le plus souvent, il suggère. Une fois, il prend le temps de faire ressentir profondément les émotions qui traversent Miral, lorsqu’elle assiste, impuissante, à la démolition d’une maison par l’armée israélienne, sous les yeux de ses habitants forcés à sortir et de jeunes en train d’apprendre dehors à lire. A elle seule cette scène forte résume le propos et la tension du film: comment choisir entre l’engagement militant et la primauté donnée à l’effort éducatif, pour soi ou pour les autres?

Lorsque le politique est décrédibilisé par un nombre de discours et de signatures de traités qui peinent à rétablir la paix, lorsque le religieux n’est perçu que comme fauteur de troubles, il est intéressant de prêter attention à ces figures féminines de Hind Husseini et de Miral - alias Rula Jebreal devenue aujourd’hui journaliste et travaillant en Europe -, car elles rappellent une piste fragile, l’éducation, mais ô combien nécessaire.

Note: 15

Serge Molla