Un homme qui crie

Affiche Un homme qui crie
Réalisé par Mahamat-Saleh Haroun
Pays de production France, Belgique
Année 2010
Durée
Musique Wasis Diop
Genre Guerre, Drame
Distributeur Pyramide Distribution
Acteurs Emile Abossolo M'Bo, Youssouf Djaoro, Diouc Koma, Djénéba Koné, Hadjé Fatimé N'goua
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 615
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le réalisateur tchadien a déjà donné une œuvre marquante, Daratt - Saison sèche (Prix spécial du Jury à Venise en 2006). Ici, il traite avec gravité d’un sujet grave. Adam, ancien champion de natation de Centrafrique, est maître-nageur au service d’un hôtel de luxe. Dans un Tchad en guerre (l’armée combat des troupes rebelles), la piscine est tout pour lui: une oasis de calme, une responsabilité correspondant à ses compétences, son gagne-pain. Son fils Abdel, 20 ans, le seconde puis le remplace. Adam est rétrogradé au rang de garde-barrière du domaine hôtelier et supporte difficilement cette humiliation. Il est par ailleurs mis sous pression par son «chef de quartier», notable local qui lui réclame sa contribution à l’effort de guerre: pas d’autre choix que de donner de l’argent ou de faire enrôler son fils dans l’armée.
Sur un rythme lent, par petites touches, on réalise peu à peu le conflit de conscience dans lequel s’enlise Adam, nouvel Abraham pour qui, hélas, «il n’y a rien à attendre du ciel». Ce n’est pas lui mais le monde qui change. Une histoire puissante et poignante, à l’image du destin du continent africain, qui a bien mérité le Prix du Jury.

Daniel Grivel


Cinq ans après Daratt - Saison sèche, le cinéaste tchadien Mahamat-Saleh Haroun est de retour avec un film qui a remporté cette année le Prix du Jury du Festival de Cannes. Une œuvre forte, épurée et maîtrisée, proche de la tragédie classique, un récit ancré dans la réalité de son pays, victime d’une guerre civile qui dure depuis des décennies.

N’Djamena, aujourd’hui. Adam, 55 ans, maître nageur, s’occupe avec son fils de la piscine d’un luxueux hôtel international de la capitale. On apprend par la radio que la guerre civile fait rage et se rapproche de la ville. Adam est harcelé par un «ami», membre du parti au pouvoir, qui attend de lui - l’armée a besoin d’hommes et d’argent - qu’il paie son écot à l’effort de guerre. La pression se fait de plus en plus forte, l’hôtel est racheté par des repreneurs chinois, la nouvelle direction décide de «dégraisser». Aux drames de la guerre s’ajoute une situation économique qui se dégrade: les petits boulots se font rares, la «rationalisation» des entreprises entraîne des licenciements, Adam verra le sien disparaître…

Se greffe sur cet arrière-fond politique et social chaotique un conflit entre Adam et son fils Abdel. Pris au piège, le père ne fera pas les bons choix, et la vie familiale en sera douloureusement perturbée. Histoire contemporaine et histoire familiale vont ainsi se rejoindre, dans un mélange subtil et très réussi où les personnages, tragiquement, ne pourront ou ne sauront pas tirer les bonnes cartes.

Un homme qui crie, contrairement à ce que le titre pourrait laisser accroire, est un film silencieux. Les personnages parlent peu, les images sont paisibles, tout au plus l’une ou l’autre d’entre elles rappelle-t-elle que la guerre est toute proche. Le réalisateur a choisi un montage calme, de longs plans fixes, plaçant sa caméra à bonne distance pour éviter de forcer l’émotion. Une émotion que les personnages, bien campés, savent parfaitement rendre palpable. Les décors sont choisis à dessein, en particulier celui de la piscine, reflet des événements et lieu symbolique où Adam et Abdel s’affronteront pour la première fois, où les baigneurs batifolent quand tout va bien, mais un endroit qu’ils désertent sitôt que les combats se rapprochent. Le rythme de la narration respecte la respiration de chacun, et la musique, épurée, révèle discrètement les états d’âme des protagonistes.

A côté d’Adam et d’Abdel, on croise beaucoup d’autres personnages, tous représentatifs, à des degrés divers, de la société tchadienne: il y a le cuisinier David qui sera licencié («David ne peut rien contre Goliath» dira-t-il), il y a Madame Wang (Goliath, la nouvelle directrice chinoise de l’hôtel), il y a aussi le chef de quartier (un racketteur qui profite de la situation) et Mariam (la femme d’Adam), sans oublier Djeneba, l’amie malienne d’Abdel qui débarque un jour comme par effraction, ou encore Etienne, le portier de l’hôtel…

Un homme qui crie n’est pas un film sur la guerre, mais sur ceux qui la subissent. Le climat reste tendu, mais la violence sur l’écran est quasi absente: tout au plus entend-on les informations radiodiffusées, quelques rafales d’armes automatiques ou le bruit des hélicoptères qui passent loin au-dessus de nos têtes… Bousculé par les événements, Adam essaiera par tous les moyens de se raccrocher à son travail, la peur l’amenant à une forme de trahison. Et malgré ses tentatives de rachat, la tonalité du film («Il n’y a rien à espérer du ciel…» dit-il) restera amère.

Antoine Rochat

 

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Appréciations

Nom Notes
Daniel Grivel 15
Antoine Rochat 16
Serge Molla 16