Des hommes et des dieux

Affiche Des hommes et des dieux
Réalisé par Xavier Beauvois
Pays de production France
Année 2010
Durée
Genre Drame
Distributeur Mars Distribution
Acteurs Michael Lonsdale (I), Philippe Laudenbach, Lambert Wilson, Jacques Herlin, Olivier Rabourdin
Age légal 10 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 615
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le titre se réfère à un verset de psaume cité en exergue du film et met ainsi en perspective la destinée de moines cisterciens d’un monastère situé à Tibhirine dans l’Atlas, des religieux coexistant harmonieusement et sans volonté d’évangélisation avec la population algérienne. Ils vivent au rythme des offices (le plus matinal précède l’appel à la prière musulmane), cultivent leur terre, vendent le miel de leurs abeilles et, grâce à un médecin, Frère... Luc, soignent les malades.

Un jour, des ouvriers croates sont égorgés par des terroristes islamistes, et les autorités pressent la communauté de s’éloigner de la menace. Les frères sont d’abord partagés: certains disent ne pas être venus en Algérie pour se faire tuer (mais, déclare le prieur, «ta vie, tu l’as déjà donnée... au Christ». Mais, au bout du compte, la communauté unanime décide de rester («le bon berger n’abandonne pas son troupeau quand le loup arrive»). L’histoire, on le sait, a fini par la prise en otage et l’assassinat de sept moines en 1996, l’identité des auteurs et les circonstances exactes des événements étant à ce jour encore inconnues.

Sans pathos ni parti pris, Xavier Beauvois montre avec un soin documentaire le quotidien des religieux, interprétés par une belle brochette d’acteurs que domine Michael Lonsdale (sa foi personnelle n’y est probablement pas étrangère). Le tact et la mesure n’empêchent pas des scènes bouleversantes, portées par de gros plans sur des visages expressifs, et on n’est pas près d’oublier l’avant-dernière (s)cène. Espérons que le Grand Prix contribuera au succès public d’une œuvre forte et courageuse.

Daniel Grivel

Prix du Jury œcuménique, qui a motivé comme suit son choix: «D’une grande beauté plastique, servi par une interprétation collective remarquable et rythmé par l’alternance des travaux et de la liturgie, ce film dépeint le sacrifice des moines de Tibhirine (Algérie 1996), choisissant de poursuivre leur œuvre de paix malgré la violence déchaînée. La profonde humanité des moines, leur respect pour l’islam et leur générosité pour leurs voisins villageois motivent notre choix.»


La destinée tragique des moines cisterciens du monastère de Tibhirine, en Kabylie. Xavier Beauvois revient, avec un soin documentaire, sur les événements de mai 1996, sur le destin et le courage de ces hommes. Un film fort, une interprétation remarquable. Grand Prix du Festival de Cannes 2010 et Prix du Jury œcuménique.

L’assassinat en 1996 de sept moines du monastère cistercien de Notre-Dame-de-l’Atlas, dernier poste habité après le village de Tibhirine en Kabylie, dans un paysage de montagnes et de vallons, a horrifié le monde et lui a révélé la terrible guerre civile qui ensanglantait l’Algérie. Le mystère de leur massacre - on n’a retrouvé que leurs têtes - n’a jamais été éclairci. D’abord attribué au Groupe islamiste armé (GIA), l’enlèvement et la décapitation des sept moines trappistes furent mis plus tard sur le compte d’une bavure de l’armée algérienne qui l’aurait ensuite exploitée pour justifier la répression qui suivit.

Le cinéaste Xavier Beauvois a reconstitué le destin de ces hommes humbles qui choisirent de rester jusqu’au bout aux côtés des villageois que Frère Luc soignait avec un dévouement indéfectible depuis des décennies. Avec sobriété et sans parti pris - bien que, dans le film, les militaires algériens soient plus inquiétants que les terroristes -, il décrit le quotidien austère des religieux, qui vivent en harmonie avec la population locale musulmane, se joignent parfois à la prière à la mosquée du village, cultivent leur lopin de terre, récoltent leur miel, prient et louent le Seigneur sans jamais chercher à évangéliser qui que ce soit. Depuis le massacre d’ouvriers croates tout près du monastère, les moines sont instamment priés de rentrer en France.

Ne sont-ils pas une provocation en terre musulmane, un reliquat de la colonisation abhorrée, somme toute une cible idéale pour des intégristes? Depuis cet épisode, la caméra s’attache à déchiffrer en gros plan et avec infiniment d’humanité et de tact les visages des moines, sur lesquels affleurent les mouvements de leur âme, les doutes, les combats intérieurs qu’ils mènent face au danger qui les menace. Leur faut-il risquer une mort inutile? Ou rester coûte que coûte aux côtés des villageois? Dans un premier temps, les opinions des frères sont divisées. Chacun a préparé une petite valise avec ses maigres biens sous son lit. Le prieur (Lambert Wilson) de la communauté, qui est aussi son «chef» intransigeant, refuse catégoriquement la protection de l’armée et invite ses frères à rester. Des terroristes viennent alors réclamer une aide médicale, mais repartent sans faire de mal aux religieux. Les frères, peu à peu, sont convaincus qu’il ne faut pas se laisser intimider, mais faire confiance à Celui à qui ils ont donné leur vie, et opposer avec force leur message de paix dans un monde déchiré par les violences.

Commencé sous une forme quasi documentaire, le film prend alors une tournure spirituelle qui culmine avec une scène (Cène?) où les moines réunis autour d’une longue table après avoir tous décidés de rester, partagent le vin et le pain en écoutant «Le Lac des cygnes» de Tchaikovsky sur une petite radio cassette. La scène est bouleversante et révèle quelque chose de la foi, cette grâce mystérieuse qui habite parfois les hommes et les pousse à se dépasser. Pas la moindre bondieuserie dans ce film, mais l’austérité de la liturgie des heures qui rythment les journées, le chant à l’unisson des moines, le silence, un vaste silence bienvenu, la fraternité malgré les différences, la solidarité avec les plus démunis.

Ce film lent, parcouru d’une lumière intérieure que les acteurs arrivent à nous faire sentir, m’a rappelé un autre long métrage primé précédemment par le Jury du Festival de Cannes, LUMIERE SILENCIEUSE de Carlos Reygadas. Là en l’occurrence, il s’agissait d’une communauté mennonite au Nouveau Mexique. Ce sont deux films amples et lumineux sur la foi, les tourments intérieurs, la paix difficile entre les hommes.

Nicole Métral

Ancien membre

Appréciations

Nom Notes
18
Serge Molla 17
Georges Blanc 19
Daniel Grivel 19
Geneviève Praplan 18
Antoine Rochat 17
Anne-Béatrice Schwab 19