Critique
Jean-Luc Godard n’était pas à Cannes pour défendre son film. Et il ne figure pas dans le magnifique portfolio de Positif sur les réalisateurs. Mais une somme de 900 pages vient de lui être consacrée. Chacun des films de cet auteur adulé ou rejeté devient le sujet de palabres interminables.
De la même veine que ses meilleures œuvres, avec le même usage immodéré de procédés tels que mise à distance, déconstruction, mort et morsure du langage, dialogues escamotés, collage de mots, de sons et d’images, images d’archives, interviews, accélérés… FILM SOCIALISME tient debout par lui-même, sans avoir à être défendu par son auteur.
Organisé comme une symphonie en trois mouvements, le film commence par nous mener en bateau avec une croisière en Méditerranée, où la caméra croque «Des choses comme ça», multiples conversations au carrefour des langues et des miaulements, vacanciers anonymes et personnalités médiatiques, images accélérées du dancing ou du casino…
Retour sur terre avec la séquence médiane «Quo vadis Europa» qui place un lama et une équipe de télévision dans le garage de la famille Martin près de Rolle. Avec une belle séquence de poésie lorsqu’un petit garçon, les yeux fermés, explore le corps de sa mère.
«Nos humanités» refont le tour de la Méditerranée en oubliant le paquebot pour revisiter les lieux accostés d’Odessa à Barcelone en passant par Naples, la Grèce, l’Egypte et la Palestine. Images bousculées, aphorismes et slogans résonnent comme des coups de gong assénés par un vieux maître sentencieux. Par exemple, «Quand la loi n’est pas juste, la justice passe avant la loi». A proposer comme dissertation de bac!
FILM SOCIALISME peut agacer. Jamais à bout de souffle, il a le mérite de provoquer et bousculer nos habitudes de regard et de pensée…
Anne-Béatrice Schwab
