Secrets (Les)

Affiche Secrets (Les)
Réalisé par Raja Amari
Pays de production Tunisie, France, Suisse
Année 2009
Durée
Musique Philippe Héritier, Erik Rug
Genre Drame, Famille
Distributeur Sophie Dulac Distribution
Acteurs Hafsia Herzi, Soundes Bel Hassen, Wassila Dari, Dhaffer L'Abidine, Rim El benna
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 614
Bande annonce (Allociné)

Critique

Dans son premier long métrage déjà (SATIN ROUGE, 2002 - voir CF n. 454), Raja Amari s’intéressait à l’émancipation de la femme. La réalisatrice tunisienne née en 1971 revient avec brio sur ce thème dans LES SECRETS, un huis clos oppressant.

Perdu dans la campagne, une villa délabrée qui fut somptueuse, dans un parc luxuriant. Trois femmes y vivent recluses, cachées dans le sous-sol jadis réservé au logement des domestiques - un peu l’équivalent de ce «monde d’en bas» des manoirs britanniques évoqué notamment dans RAISON ET SENTIMENTS. Aïcha (Hafsia Herzi, révélation de LA GRAINE ET LE MULET) vit discrètement l’éveil de son corps: elle se rase les jambes en cachette de sa grande sœur Radia (Sondos Belhassen), qui la surveille avec autant de rigueur que leur mère (Wassila Dari). Il apparaît que ces deux femmes ont à l’époque travaillé au service des propriétaires de la villa. Le trio se nourrit des légumes qu’il cultive dans le parc et ne se rend en ville que pour vendre des tissus admirablement brodés par Radia et pour faire quelques achats dans un supermarché.

Des employés de la compagnie d’électricité découvrent que le compteur a été trafiqué et qu’un fil a été tiré vers la maison. Fausse alerte, ils renoncent à investiguer la ruine - mais les femmes ont eu chaud. Jusqu’au jour où un jeune couple fait irruption dans le «monde d’en haut» et le rend à nouveau habitable. C’est Ali (Dhaffer L’Abidine), le fils du propriétaire, venu abriter ses amours avec Selma (Rim El Benna), jeune fille délurée et vêtue à la dernière mode européenne. Lors des absences de ce couple qui la fascine, Aïcha monte explorer leur intimité; elle essaie d’élégantes chaussures rouges, dont un des talons se casse, ce qui intriguera Selma. Sans retenue, la sauvageonne va jusqu’à observer les amants en pleine action, n’hésitant pas à passer sa main au-dessus du dos et des reins de l’homme. Toujours plus attirée par les réalités inconnues qu’elle découvre, elle ira se mêler à la foule de danseurs invités à une surprise-partie.

Excédées par les intrus, Radia et sa mère profitent de l’absence d’Ali pour capturer Selma et la séquestrer. Après un début difficile, le ligotage de la prisonnière fait place à une cohabitation insolite. Radia, qui a connu le monde extérieur, y retrouve de l’intérêt, d’autant plus que Selma lui a donné l’adresse d’une créatrice de mode qui lui paie ses broderies bien mieux que l’acheteur qui l’arnaquait. Par glissements successifs, une certaine complicité s’installe, qui gagne même la mère dans une certaine mesure. Les secrets qui pèsent sur le farouche trio commencent à percer, jusqu’à un stupéfiant coup de théâtre final.

Raja Amari déclare: «J’ai tenté d’explorer l’univers de femmes recluses, qui vivent dans la négation de leurs désirs intimes. Cette répression du désir, qui se traduit par la violence ouverte ou cachée, est au cœur des difficultés auxquelles sont confrontées les femmes qui vivent dans des sociétés fermées sur elles-mêmes.» Quand on sait par quelle main de fer la Tunisie est tenue, il a fallu un certain courage à la réalisatrice pour traiter ce sujet brûlant, y incorporant même une scène de (belle) nudité.

Porté par un scénario découpé au rasoir (c’est le cas de le dire), bénéficiant d’interprètes hors pair, illuminé par la photographie de Renato Berta, LES SECRETS est un film fort et poignant, à apprécier dans son contexte culturel.

Soit dit en passant, le producteur suisse est Nicolas Wadimoff, dont AISHEEN - STILL ALIVE IN GAZA a fait sensation à la dernière Berlinale.

Daniel Grivel