Nénette

Nénette a fêté ses 40 ans au jardin des Plantes, à Paris. C’était l’année dernière, lorsque Nicolas Philibert a entrepris d’en faire une star en lui consacrant un documentaire. Le cinéaste était venu visiter la «singerie» et contemplait une Nénette indifférente, face aux commentaires du public. «En l’observant de plus près, je me suis rendu compte qu’elle ne perdait pas une miette du spectacle que nous lui offrions, à notre insu. L’idée du film date de ce moment-là.»

La guenon est née en 1969 dans les forêts de Bornéo. Depuis 1972, elle vit au jardin des Plantes où elle a donné le jour à trois petits, assurant la continuité d’une espèce menacée par la destruction de son habitat naturel. Elle a atteint un très bel âge pour un orang-outan dont l’espérance de vie est de trente à quarante ans. C’est avec nonchalance qu’elle reçoit les quelque 600’000 visiteurs qui viennent l’observer chaque année.

Philibert construit son film à partir «d’une disjonction entre le son et l’image.» On entend les visiteurs commenter, parler aux singes, mais on ne les voit jamais. On voit par contre les animaux, Nénette surtout, mais on ne les entend jamais. Il y a entre ces deux axes un fossé qui laisse un grand espace à l’imaginaire, un fossé qui interroge sur le regard des uns et des autres, sur la cage qui emprisonne et la caméra qui prend le relais, sur le voyeurisme que subit l’animal en captivité…

Dans chacun de ses documentaires, Nicolas Philibert fait preuve d’une grande humanité. Il ne s’en départit pas au moment de filmer un animal dont il recueille les gestes avec attention et sensibilité. Touchant.