White Material

Affiche White Material
Réalisé par Claire Denis
Pays de production France, Cameroun
Année 2008
Durée
Musique Stuart A. Staples
Genre Drame
Distributeur Wild Bunch Distribution
Acteurs Isabelle Huppert, Christopher Lambert, Nicolas Duvauchelle, Isaach de Bankolé, William Nadylam
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 611
Bande annonce (Allociné)

Critique

Claire Denis tourne au Cameroun en compagnie d’Isabelle Huppert. Son beau film est empli de résonances.

La plantation de café fait vivre une famille de Blancs depuis trois générations. Mais, dans le pays, l’atmosphère est de plus en plus malsaine. Dangereuse même, depuis que des troupes de rebelles se cachent dans la forêt, provoquant la panique chez les habitants des villages. Maria (Isabelle Huppert) ne veut rien voir. La récolte vient de commencer, il faut la terminer, c’est l’affaire d’une semaine. André (Christophe Lambert), son ex-mari et père de leur fils (Nicolas Duvauchelle), ne croit plus au café et veut organiser leur fuite malgré elle. Le couple ignore que le chef des rebelles se cache chez eux. Comme il ignore ce qui se trame réellement autour de lui, habité par une naïveté dont il ne se départit pas, malgré son expérience du pays.

Claire Denis a écrit son scénario avec l’écrivain Marie NDiaye, et il est probable que cette collaboration apporte beaucoup au film. En tout cas pour camper des personnages blancs que l’on sent présents et absents à la fois. Ils sont distants des clichés, mais on voit bien que leur naturel n’est pas celui qu’ils afficheraient s’ils vivaient en France; ils portent les stigmates de l’Afrique. L’Afrique, elle, est l’autre grande réussite du film. Claire Denis la filme de superbe façon: continent de terre avant tout, rouge, soufflée par la moindre brise. Le sol africain a enrichi des générations de colons avec son agriculture et ses mines; mais c’est lui aussi, son immensité, sa dureté, qui nourrit chez ses habitants un fatalisme pernicieux.

«L’Afrique, c’est compliqué, raconte Isabelle Huppert. Il y a quelque chose d’exaltant à s’y trouver, mais on se demande si les choses pourront un jour y bouger; je ne parle pas de la violence, ni de la pauvreté, mais plutôt d’une certaine forme d’indifférence devant la mort.»

La troisième réussite de Claire Denis et Marie NDiaye est la peinture de l’atmosphère, celle de l’angoisse que peut susciter un paysage quand on sait que le danger est partout, mais invisible. L’absence, le silence se remplissent; alors que la nature devrait être sereine, elle est faite ennemie par ce (ceux?) qu’elle dissimule. Au fond, ce n’est pas le courage qui retient Maria à sa ferme, plutôt sa méconnaissance des lieux et son aveuglement. Cela aussi, la réalisatrice le montre bien et Isabelle Huppert le joue à la perfection. Bien mieux que Christophe Lambert, dans le rôle de l’ex-mari, qui semble peu impliqué dans le drame. Bien mieux aussi que Nicolas Duvauchelle, beaucoup trop âgé pour jouer les adolescents.

Au demeurant, ces personnages ne sont guère utiles à l’histoire; la famille recomposée est même une idée de trop. Toute la force du film se situe dans la menace d’un affrontement violent entre Maria et l’Afrique, affrontement qui, au fur et à mesure que le film se déroule, devient de plus en plus inéluctable. Le film est tourné au Cameroun, mais on ne sait pas où se situe le drame. Les troubles politiques ressemblent, avec leurs enfants-soldats, à n’importe quel conflit africain. Si bien qu’ici les rebelles menaçants qui hantent la forêt à l’entour de la plantation de café, apparaissent bientôt comme le symbole d’une dérive, d’une folie, celle de la femme blanche qui n’a jamais compris le pays où elle vit.

Geneviève Praplan