La Vida Loca

Affiche La Vida Loca
Réalisé par Christian Poveda
Pays de production Espagne, Mexique, France
Année 2008
Durée
Musique Sebastian Rocca
Genre Documentaire
Distributeur Ciné Classic
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 611
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le récent assassinat (très médiatisé) du réalisateur de ce documentaire ne doit pas éclipser l’impressionnante densité de son travail: une plongée glaçante et intime dans la guerre terrifiante que se livrent deux gangs des rues à San Salvador.

Une cérémonie mortuaire, tragique et spectaculaire. Autour du cadavre d’un très jeune homme, une veuve éplorée et une abondante tribu de copains meurtris et vengeurs. D’entrée, Christian Poveda nous plonge dans la «vie folle» de cette jeunesse urbaine salvadorienne. Ils ont entre 16 et 30 ans et n’ont qu’une seule famille: celle de leur gang, de leur «mara» la 18. Parmi eux, quelques-uns tentent une expérience de réinsertion autour d’un projet de boulangerie communautaire. Le projet tombe vite à l’eau: le travailleur social est lui-même arrêté pour crime! Une jeune femme (mère de famille) tente de se refaire un visage, défiguré par un œil crevé. Elle est fière de pouvoir remettre la balle incrustée depuis des années dans son globe oculaire à sa mère... Un très jeune couple, emprisonné à tour de rôle, tente d’élever un nouveau-né. Pas d’explications sociologiques ni d’interviews psychologisantes: seulement leur vie quotidienne dans une totale promiscuité qui ne cesse d’intriguer...

Comment Poveda a-t-il pu capter de telles scènes (de communion, de beuveries, de détresse...) sans que sa caméra, au cœur de l’action, ne dérange les protagonistes? On pourrait presque croire à la mise en scène d’une fiction! Mais la vérité est ailleurs: après une série de portraits photographiques de détenus de la mara, le cinéaste-journaliste a choisi de partager le quotidien de la bande, des mois durant (plus d’un an et demi), au point de créer une totale confiance à son égard. Jamais il ne dévie de sa ligne: ne pas expliquer, ne pas même chercher à «rendre compte», juste entraîner le spectateur à vivre, pendant un moment, le quotidien de ces adolescents perdus. Poveda ne filme aucun délit commis (ou subi) par les protagonistes, seulement leur vie quotidienne, ponctuée par les images des cadavres de leurs comparses retrouvés dans la rue (plus d’une dizaine le temps du film). A mesure que Poveda semble édifier des «héros», ils sont abattus, emprisonnés, séparés de leurs enfants... Et le témoignage devient alors extraordinairement limpide.

Comment une jeunesse sans aucun espoir concret parce que sans anciens (morts ou démissionnaires), sans aucune réflexion ni combat socio-politiques, et se heurtant à l’incompréhension et à la répression, pourrait-elle s’épanouir autrement que par la violence? Cette dernière semble être sans fondement réel et s’apparenter à un automatisme identitaire. Ici, la seule source de fierté est l’appartenance au gang, au point qu’on l’affiche sur son corps même, à l’aide de tatouages envahissants (même les femmes ont le visage entièrement couvert de signes distinctifs propres à la 18)... Alors qu’un garçon d’une douzaine d’années est tabassé par cinq ados à peine plus vieux que lui (il vient de réussir l’épreuve initiatique et d’entrer dans la confrérie), le jeune couple part, ensemble cette fois, en prison, laissant leur enfant à des bras étrangers. La jeune femme a enfin subi une opération qui redonne un équilibre à son visage. On retrouvera son cadavre quelques jours plus tard...

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