Critique
Dans CHLOE, son dernier film, le réalisateur canadien Atom Egoyan traque avec une sensibilité à fleur de peau les mouvements de l’âme de ses personnages. C’est à la fois un film sur la métamorphose d’une femme, la peur de ne plus être désirée et l’usure des sentiments, l’altération de la réalité par les fantasmes, le besoin dévorant d’être aimé. Par la finesse du jeu de Julianne Moore (la femme), la sincérité bouleversante d’Amanda Seyfried (Chloé), le film touche au plus profond de soi. De facture très classique, ce remake du long métrage français d’Anne Fontaine NATHALIE tranche sur la filmographie du réalisateur qui, d’ordinaire, écrit lui-même tous ses films. L’histoire y est contée selon une approche chronologique et linéaire, à la manière d’un thriller hollywoodien, un parti pris inhabituel pour l’auteur. Pourtant, le film laisse bel et bien apparaître l’empreinte d’Egoyan avec sa direction d’acteurs, l’atmosphère à la fois sensuelle et mystérieuse dans laquelle baignent ses personnages: une femme, gynécologue, soupçonne son mari (Liam Neeson) d’infidélité. Pour en avoir le cœur net, elle engage une escort girl, Chloé, pour le séduire et faire le rapport détaillé de tous leurs rendez-vous secrets. L’épouse, qui a perdu ses repères, redécouvre le désir au fil des récits sensuels et suggestifs que lui fait la jeune prostituée au bouleversant regard d’enfant meurtri et assoiffé d’amour. Un regard inoubliable que Catherine ne décrypte pas vraiment. Elle ne saisit pas à quel point elle a perturbé la vie de la jeune femme par sa présence maternelle et sensuelle. La jeune prostituée, à qui la vie ne semble pas avoir fait de cadeau, se met à fantasmer sur Catherine, cette femme qui pourrait être comme une mère pour elle, comme une amoureuse, dont elle s’entiche jusqu’à l’obsession.
Réduire CHLOE à un film érotique comme le suggère la pub, c’est occulter cette émouvante exploration de l’âme, avec ses ombres et ses lumières fulgurantes, qu’Atom Egoyan a si bien su cerner.