Enfer d'Henri-Georges Clouzot (L')

Affiche Enfer d'Henri-Georges Clouzot (L')
Réalisé par Serge Bromberg, Ruxandra Medrea
Pays de production France
Année 2009
Durée
Genre Documentaire, Drame
Distributeur MK2 Diffusion
Acteurs Bérénice Bejo, Romy Schneider, Serge Reggiani, Catherine Allegret, Gilbert Amy
N° cinéfeuilles 603
Bande annonce (Allociné)

Critique

En 1964, Henri-Georges Clouzot entreprend le tournage de L’ENFER, une production à gros budget (la Columbia lui a donné carte blanche!), avec Romy Schneider, Serge Reggiani et Danny Carrel. Son idée - excusez du peu! - est de renouveler le langage du cinéma, de dépasser ce qu’il avait tenté de faire jusqu’à ce jour dans ses films. L’ENFER devait être la radiographie d’un monde intérieur, celui de Marcel (Serge Reggiani), amoureux fou et pathologiquement jaloux de sa femme Odette (Romy Schneider), la réalité et l’irrationnel se rejoignant dans une déformation volontaire de la bande-son et dans une imagerie de fantasmes visuels.

Clouzot commence par tourner, pendant deux mois, une série de séquences dites «d’essai», essentiellement avec Romy Schneider. On ne saura jamais si elles étaient destinées à intégrer le film. Puis le tournage en extérieurs démarre, difficilement. Plusieurs scènes sont mises en bobines avec les cinq acteurs principaux, mais Serge Reggiani prétexte très vite des ennuis de santé, se brouille avec Clouzot et claque la porte. Quelques jours plus tard, le cinéaste est lui-même victime d’un infarctus. Le tournage, prévu sur dix-huit semaines, s’arrête au bout de trois et ne reprendra plus.

A partir des rushes retrouvés, Serge Bromberg et Ruxandra Medrea ont tenté de reconstituer quelques séquences du film, confiant à des acteurs d’aujourd’hui (Jacques Gamblin et Bérénice Béjo) le soin de dire et de replacer - sur la pellicule sauvée mais privée de bande sonore - les répliques du dialogue prévu. De cette tentative de remise en images se dégage comme un parfum nostalgique des années 60: on croise Romy Schneider (elle a 26 ans), ainsi que Serge Reggiani et beaucoup d’autres. Et Bromberg a réussi à retrouver, 45 ans après les événements, quelques assistants et techniciens (Costa-Gavras et le chef-opérateur Lubtchansky, pour n’en citer que deux) qui viennent raconter ce qu’ils ont vécu, ce tournage catastrophique, le mauvais caractère de Clouzot qui n’écoutait personne, et les expériences esthétiques plus ou moins convaincantes qu’il souhaitait mener.

Après ce fiasco, Clouzot s’efforcera de retrouver cette même inspiration dans LA PRISONNIERE (1968), mais ce dernier film ne connaîtra pas un grand succès. Le cinéaste mourra en 1977.

L’ENFER D’HENRI-GEORGES CLOUZOT se présente comme un petit brouillon de film et ne livre qu’un échantillon du long métrage que souhaitait tourner l’auteur de QUAI DES ORFEVRES et du SALAIRE DE LA PEUR. Ce documentaire propose aussi, au-delà d’un clin d’œil qui s’adresse avant tout aux cinéphiles et aux connaisseurs de l’œuvre du cinéaste français, un intéressant coup de projecteur sur les coulisses du tournage d’un film, il y a plus d’un demi-siècle, et sur les difficultés de sa réalisation.

Antoine Rochat