Sin Nombre

Affiche Sin Nombre
Réalisé par Cary Fukunaga
Pays de production Mexique, U.S.A.
Année 2009
Durée
Musique Marcelo Zarvos
Genre Thriller
Distributeur Diaphana Films
Acteurs Gerardo Taracena, Edgar Flores, Paulina Gaitan, Kristian Ferrer, Tenoch Huerta
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 603
Bande annonce (Allociné)

Critique

Coup de maître pour ce premier film qui montre une nouvelle réalité de l’immigration. Les acteurs y sont excellents.

Au début du film, on pense à GOMORRA, le livre de Roberto Saviano mis en scène en 2008 par Matteo Garrone. De la même manière, un jeune garçon passe son examen d’initiation pour faire partie d’un gang. Dans SIN NOMBRE, il s’agit de la Mara, ce groupe de jeunes adultes dont la cruauté n’a aucune limite. Qu’on se souvienne du réalisateur Christian Poveda, assassiné alors qu’il tournait LA VIDA LOCA, documentaire sur ces voyous pour qui la violence est la seule respiration.

Mais Cary Fukanaga ajoute un deuxième axe à son scénario, celui de l’émigration. Ainsi, deux histoires vont-elles se confronter avant de fusionner. Celle de Sayra (Paulina Gaitan), son père (Gerardo Taracena) et son oncle (Guillermo Villegas), qui quittent ensemble le Honduras pour rejoindre de la famille près de New York. Ces migrants constituaient d’ailleurs le thème du réalisateur. Mais c’est en préparant son scénario qu’il s’est intéressé à la Mara, parce que l’immigration est très lucrative pour elle qui pille les voyageurs et exige des taxes de la part des passeurs. «Je voulais bien comprendre les dynamiques entre les passeurs, les trajectoires et les gangs qui détiennent ces régions. La mainmise sur un territoire devient un enjeu très important, à l’origine de toute cette violence entre les gangs pour conserver leur domination.»

Avant de revenir au Honduras, SIN NOMBRE commence au Mexique, avec l’itinéraire de Willi (Edgar Flores) qui, depuis qu’il s’est fait baptiser comme membre de la Mara, est connu sous le nom de Casper. Le jeune Smiley (Kristian Ferrer) est son grand ami et, tout naturellement, il lui fait miroiter les avantages d’être membre d’un clan lorsqu’on est jeune et sans avenir. Il est aussi amoureux d’une jeune fille à qui il ne peut pas expliquer ses absences. Mais les choses vont si mal tourner qu’il se retrouve dans le train des émigrants honduriens où il rencontre Sayra.

Cary Fukunaga ne s’embarrasse pas d’effets spéciaux, pourquoi le faire quand on dispose d’un contenu si dense? Il filme à l’économie, sans une image de trop, allant droit au but en se rapprochant des visages pour lire derrière les fronts les pensées les plus secrètes. Les deux aventures se déroulent en parallèle, avec chacune leurs protagonistes; on se fait peu d’illusion sur leur dénouement, et pourtant la tension ne baisse pas.

Le réalisateur, dont c’est le premier long métrage, a préféré la fiction au documentaire, parce que, dit-il, «quand on réalise un documentaire, on n’est pas maître du scénario, on va où cela nous mène, on n’a pas le choix, c’est l’histoire qui dicte tout». Cela ne l’a pas empêché de conduire son enquête à la manière d’un journaliste, d’aller dans les commissariats de police, dans les prisons, dans les gares de triage pour trouver son matériau. Et de ne surtout pas se contenter des articles de presse qui simplifient tout. «La réalité est beaucoup plus complexe, la violence est cachée.»

Une fiction, donc, mais avec quels relents de vérité! SIN NOMBRE reste longtemps en mémoire, comme un témoignage à part entière. Ses acteurs jouent des rôles qu’ils connaissent bien et, avec sa sensibilité, Cary Fukunaga n’a aucune peine à faire en sorte qu’ils y croient.

Geneviève Praplan