Critique
Agé d’une trentaine d’années, un brillant professeur de biologie dans un lycée de Prague quitte un jour la capitale pour devenir instituteur dans un village de campagne. Pourquoi cet exil? Que laisse-t-il derrière lui? Qu’espère-t-il reconstruire? Les habitants du village, des paysans pour la plupart, se posent des questions sur ce citadin qui semble un peu perdu dans ce nouvel environnement et s’interrogent sur ses motivations. Autour de ce secret s’élabore alors un récit tout en demi-teintes où chacun se trouve confronté à un besoin d’amour qu’il ne sait ni exprimer, ni combler. Et si on n’avait pas tous besoin de quelqu’un, comme le suggère le sous-titre de ce film?
A l’instar des villageois, c’est par bribes que nous allons découvrir cet homme en quelque sorte déraciné. Et sa quête d’identité va rejoindre la quête exprimée ou non de ceux qu’il va côtoyer. Le réalisateur pose peu à peu les jalons d’une intrigue qui se construit patiemment. Les bottes de foin de la campagne tchèque réservent bien des surprises, et le suspense se noue autour de la personnalité mystérieuse de l’instituteur, qui tranche avec le reste de la communauté rurale. C’est avec subtilité qu’est alors exprimé son combat silencieux, dans lequel se mêlent désirs, amitié et culpabilité.
Quant à la réalisation, Bohdan Sláma a dit qu’«il fallait que l’image soit la plus harmonieuse possible pour créer un contrepoint avec la situation tragique dans laquelle se trouvent les personnages. Quels que soient nos problèmes, la beauté de la Création nous aide à développer la conscience de soi. Et dans cette Création, l’homme a besoin des autres, parce qu’il ne trouve le bonheur qu’en fonction de sa position vis-à-vis d’autrui.»
Film sur la solitude, avec une absence criante de couples constitués, plaidoyer en faveur de l’acceptation de la différence, hymne à la nature et à la vie, cette œuvre touche enfin à la grâce lorsqu’elle évoque la puissance du pardon. Ce n’est pas la moindre des qualités de ce film subtil et sensible.
Georges Blanc