Jaffa

Affiche Jaffa
Réalisé par Keren Yedaya
Pays de production France, Israël, Allemagne
Année 2009
Durée
Musique Shushan
Genre Drame
Distributeur Rezo Films
Acteurs Ronit Elkabetz, Moni Moshonov, Dana Ivgy, Mahmud Shalaby, Roy Assaf
Age légal 10 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 595
Bande annonce (Allociné)

Critique

Beau film, bien que parfois laborieux, JAFFA illustre les murs de silence qui, au Proche-Orient, pèsent plus lourd que les murs de béton.

A Jaffa, il n’y a pas de mur. Les Israéliens juifs et arabes se côtoient, parfois travaillent ou étudient ensemble, parfois se combattent. La réalisatrice israélienne Keren Yedaya y fait évoluer les personnages de son deuxième film. C’est une histoire douloureuse, qui commence alors que ses protagonistes ont déjà un passé difficile. La mère (Ronit Elkabetz), surtout, a visiblement des comptes à régler avec son fils Meir (Roy Assaf). Tendue, voire hystérique, elle semble lui reprocher tout le mal de la terre. Trop égocentrique, incapable d’aimer une autre personne que son mari, elle rejette son premier enfant qu’elle a eu trop jeune et se promène dans ses journées avec l’obsession de séduire.

Cette famille vit dans un appartement sans chaleur. Le père (Moni Moshonov) possède un garage où travaillent son fils et sa fille Mali (Dana Ivgy), ainsi que deux Arabes, Toufik (Mahmoud Shalaby) et son père (Hussein Yassin Mahajneh). Meir est toujours en retard, ne travaille pas et passe son temps à houspiller Toufik. Jusqu’au jour où ce dernier sort de ses gonds. La dispute et ses conséquences vont changer la vie de Mali qui attend un enfant de Toufik.

Ce film souffre parfois d’une mise en scène un peu laborieuse, d’une envie de poser les points sur les «i» et, peut-être aussi, d’un manque d’explication sur ce qui habite les personnages - la mère en particulier - et qui va déterminer leur comportement dans l’évolution du récit. Mais ce qui domine, c’est sa faculté à porter, sans jamais toucher à la politique, la souffrance que s’infligent Israéliens et Palestiniens, en construisant entre eux des murs en béton peut-être, mais d’abord des murs de refus.

Il y a, au premier plan, les relations complexes, sinon l’absence de relations entre les membres d’une famille. S’y ajoute la relation entre les employés du garage familial, Meir et Toufik qui symbolisent à eux deux tantôt le rejet tantôt la tentative d’un rapprochement illusoire, mouvement de balancier qui guide la politique proche-orientale depuis si longtemps. Il y a enfin un troisième type de relation, rare mais tout de même présent en Israël, celui qui fait fi des appartenances et qui contient les germes d’un espoir. Dans tous les cas, la difficulté de parole est immense. «Je pense qu’il s’agit là de notre tragédie: on ne prête pas attention au point de vue de l’autre», déplore la réalisatrice.

Cet absence de dialogue serre peu à peu la tension du récit, jusqu’au drame qui constitue son premier dénouement. Mais dans la seconde partie du film, les mêmes silences reprennent le dessus pour aboutir à une nouvelle cassure. Il y a quelque chose de très lourd dans ce dénouement qui semble démontrer le statu quo définitif de la position des personnages. Ils ont déménagé, changé leur vie, mais leur caractère reste tragiquement le même. Symbole, là encore, de la situation proche-orientale, dont seuls échappent quelques-uns, ceux qui osent briser les murs. Ce sera finalement le cas de Mali.

Geneviève Praplan