Pausenlos

Affiche Pausenlos
Réalisé par Dieter Gränicher
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 586

Critique

En 1993, avec TRANSIT URI, Dieter Gränicher avait induit, à partir du gigantesque projet des nouvelles transversales ferroviaires alpines sous le Lötschberg et le Saint-Gothard, une réflexion très pertinente sur la mobilité ainsi que sur les conséquences désastreuses du trafic routier. Son dernier opus, PAUSENLOS (SANS REPIT), traite d’une thématique a priori difficilement transposable à l’écran: la nécessité existentielle d’observer d’authentiques pauses pour briser le rythme harassant imposé par les «obligations professionnelles».

Le Zurichois a recueilli le témoignage de personnes d’horizons divers. Il les a filmées en action ou durant une phase de repos (parfois forcé, comme pour Marta Lema, souffrant notamment de troubles du sommeil après avoir subi dans le cadre de son travail de technicienne le «burn-out syndrom», l’épuisement total). Gabriela Bohler avoue être tellement happée par son job d’informaticienne qu’elle ne remarque pas combien elle se vide parfois peu à peu. Dans son nid douillet, en vacances sur l’île allemande de Rügen en mer Baltique, dans les bras cajoleurs de Werner, son époux, elle se mue presque en une autre femme. Sœur Sabine, qui vit dans le couvent protestant du Sonnenhof à Gelterkinden (Bâle-Campagne), n’échappe pas à la sensation de stress. Pour elle, le silence n’est pas forcément «idyllique», car «il se peut que je sois confrontée à une grande agitation intérieure». Entre les prières, les tâches domestiques, l’accueil de pèlerins désireux de jouir d’une retraite au sein de la communauté, les religieuses s’astreignent à un programme chargé. Les assertions du garde forestier Alban Gmür relativisent notre perception du temps. Ainsi, une goutte de pluie qui tombe quelque part dans la montagne n’aboutit qu’au bout de sept ans, l’âge de son fils, au puits dont il assure l’entretien. Les joggeurs qui courent en consultant nerveusement leur montre laissent les arbres centenaires complètement indifférents.

Le réalisateur a aménagé de belles transitions pour rendre son sujet palpable: la flânerie d’un chat, symbole par excellence de l’indépendance tranquille, une salamandre traçant des sillons dans la sciure, un héron immobile sur un ponton face au lac des Quatre-Cantons. Karlheinz Geissler apparaît comme le protagoniste principal du long métrage, très applaudi, les 20 et 22 janvier, aux 44es Journées cinématographiques soleuroises. Le professeur de pédagogie économique à l’Université munichoise de la Bundeswehr énonce sur un ton non dénué d’ironie des vérités à contre-courant de la doxa dominante. «Dans notre société», constate-t-il, «il n’existe plus d’espace pour l’absence, la distance. Il conviendrait de surseoir à la possibilité d’être joignable en permanence.» Le chercheur pointe ce qui nous guette: la dépression que provoquent la surproduction et une consommation outrancière d’activité. Le bonheur? «L’on y accède bien plus sûrement par le renoncement que par un surcroît de travail.» Une philosophie subversive que prônait déjà Paul Lafargue, en 1880, dans son DROIT A LA PARESSE!...

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