Vierge des tueurs (La)

Affiche Vierge des tueurs (La)
Réalisé par Barbet Schroeder
Pays de production France, Espagne, Colombie
Année 2000
Durée
Musique Jorge Arriagada
Genre Drame, Policier, Romance
Distributeur Les Films du Losange
Acteurs Anderson Ballesteros, German Jaramillo, Juan David Restrepo, Manuel Busquets, Jaime Osorio Gómez
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 401
Bande annonce (Allociné)

Critique

Barbet Schroeder n'est pas le premier venu des cinéastes. Il a une douzaine de films, et non des moindres (MORE, MAÎTRESSE, BARFLY, LE MYSTERE VON BULOW, JF PARTAGERAIT APPARTEMENT...), à son actif. Né en 1941 à Téhéran, il a vécu une partie de son enfance en Colombie. Et c'est de sa rencontre avec l'oeuvre d'un écrivain colombien, Fernando Vallejo, qu'est née LA VIERGE DES TUEURS, titre d'un roman semble-t-il largement autobiographique, qui porte un regard cru sur la ville de Medellin et sur un Etat déliquescent.

Après un exil de trente ans, Fernando (excellent German Jaramillo), écrivain et pédéraste, rentre dans sa ville natale pour tenter d'y trouver des traces de son passé. Mais ses amis sont morts, l'hacienda familiale a fait place à des HLM, tout est pourri. Dans un bordel où des hommes vendent leurs charmes, il fait la connaissance d'Alexis et s'éprend de cet adolescent de 16 ans qui lui révèle le climat de violence qui baigne Medellin: assassinats en pleine rue, cadavres déversés le long des routes, omniprésence de la drogue, le tout inondé par une musique à pleins tubes.

Fernando accepte, pour les beaux yeux d'Alexis, d'équiper son appartement, spacieux mais d'une sobriété monacale, d'une chaîne stéréo et d'un téléviseur achetés dans un bâtiment historique transformé en bazar. Il essaie cependant d'initier son amant à la lecture et à des valeurs plus élevées que le mépris de la vie et le désir de posséder une kalachnikov. Mais il est difficile de résister à la loi de la jungle, et l'écrivain découvre, avec effroi d'abord puis avec une certaine fascination morbide, les enfants de la rue qui reniflent de la colle, les mendiants, la cour des miracles que sont devenues les églises, les gens flingués pour un oui ou pour un non, des motards assassins. Détail piquant: Alexis, qui trucide allègrement ceux qui ne lui reviennent pas, est incapable d'utiliser son pistolet pour achever un chien grièvement blessé... Unique manifestation de compassion, qui s'adresse à un animal...

A force de flirter avec la violence et la mort, Alexis est assassiné à son tour par un motard en casque intégral. Vengeance d'un autre tueur dont il a tué le frère. Fernando, désemparé, erre dans la ville jusqu'au moment où son regard est attiré par un jeune qui, vu de dos, le fait penser à son amour mort. Sans savoir qu'il s'agit du tombeur d'Alexis, il le prend sous sa houlette et découvre qui il est lorsqu'il doit aller identifier son cadavre dans une morgue sur-encombrée.

Barbet Schroeder livre une histoire - qui est aussi un document - âpre et sans concessions, éclairée çà et là par quelques touches d'un humour plutôt noir et désabusé. On se sent désarmé, si l'on peut dire... devant un monde désespéré, brutal, sauvage, dénué de tendresse, vivant sa propre vie en marge du droit, et l'on se prend à dire avec le poète: «Est-ce ainsi que les hommes vivent?» Et le chrétien se sent pour le moins interpellé par l'image de la religion que reflète ce constat sombre et désillusionné.

Daniel Grivel