Rusalka - Mermaid

Affiche Rusalka - Mermaid
Réalisé par Anna Melikian
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 581

Critique

Adaptation - très libre - de «La petite sirène», d’H. C. Andersen, RUSALKA exploite certains éléments du conte classique, tout en se présentant sous la forme d’un récit souvent déjanté et à l’écriture surprenante. La cinéaste azerbaïdjane Anna Melikian a cherché à transposer les personnages et les motifs centraux du conte d’Andersen dans le contexte de la Russie d’aujourd’hui.

Alisa, gamine un brin curieuse, ne supporte plus la vie ennuyeuse d’un petit village au bord de la mer. Et comme elle s’est découvert un don particulier - celui de voir ses vœux exaucés -, elle appelle à la rescousse un énorme ouragan qui détruit tout sur son passage et en particulier la maison familiale. Alisa, sa mère et sa grand-mère sont donc contraintes de quitter les lieux. Elles débarquent toutes les trois à Moscou, dans un monde en pleine transformation, consumériste et glacial, envahi par une publicité omniprésente qui propose la beauté et la réussite individuelle à chacun. Alisa va attirer dans ses filets plusieurs personnages hauts en couleur, mais se heurtera pourtant à la réalité d’une société dans laquelle le bonheur des uns se fait toujours au détriment des autres.

Avec beaucoup de réalisme Anna Melikian décrit la violence d’un capitalisme sauvage dans lequel chacun se débat, et dont seule une minorité profitera. Comme a su le faire Sasha, jeune homme d’affaires redoutable et cynique, parfait exemple des dérives d’un système de consommation poussé à l’absurde. Avec humour la cinéaste décrit ce promoteur chargé de vendre du terrain sur la lune, activité très lucrative semble-t-il dans un monde à la dérive, dans un univers sans âme tenaillé par le désir d’un ailleurs achetable...

On laissera de côté les portraits d’autres femmes - ceux de la mère et de la grand-mère, celui de Rita, la rivale d’Alisa et maîtresse de Sasha. Le film se présente avant tout comme une succession de tableaux surprenants, à la limite du fantastique, et comme le parcours initiatique, douloureux et tragique, d’une petite sirène russe.

Si les intentions de la cinéaste sont respectables - tenter de faire, à travers une fable, la critique sociale d’une Russie contemporaine en pleine implosion -, le résultat est mitigé. Les références à Andersen, le mélange du réalisme, de l’onirique et du fantastique, la tentation d’un cinéma pseudo-moderne au montage haletant, tout cela finit par être déstabilisant. On ne reprochera pas à la réalisatrice d’avoir mis la barre assez haut, mais bien d’avoir voulu dire ou montrer trop de choses. Reste un coup de projecteur intéressant - mélancolique et amer - sur (une partie de) la Russie d’aujourd’hui.

Antoine Rochat