Critique
Il ne s’agit pas d’héroïsme hollywoodien, mais simplement du courage d’un homme responsable. Simplement. Dès les premières images de ce film, on comprend tout ce qui se cache de complexité derrière l’adverbe. TEMOIN INDESIRABLE ne tresse pas des couronnes de lauriers au reporter colombien Hollman Morris. Il le suit dans son difficile travail quotidien: donner la parole aux victimes de la guerre civile qui saigne la Colombie, les tueries dues aux guérilleros, aux paramilitaires, aux narcotrafiquants... dans ce pays décrit comme le plus dangereux du monde pour les journalistes.
Hollman Morris, 39 ans, produit «Contravia», une émission de télévision hebdomadaire qu’il alimente de ses reportages sans concession. L’indépendance et la qualité de son travail, son engagement pour la liberté d’expression et les droits de l’homme lui ont valu des prix prestigieux, mais aussi des menaces de mort. Son émission passe à des heures impossibles, elle est menacée par le manque de fonds. Il poursuit, cependant, non sans se déchirer en mesurant les risques qu’il fait courir à sa femme et à leurs deux enfants. «Le plus simple serait en effet de me taire, mais je ne crois pas que la grandeur de l’homme soit là.»
Alors qu’on extrait les cadavres des fosses communes, la télévision colombienne se réjouit de voir le président du gouvernement rencontrer Angelina Jolie. Hollman Morris se bat sur le terrain pour obtenir les informations, dans les médias pour leur donner de la place, dans la population pour qu’elle s’y intéresse. «Face à tant de barbarie, comment la société fait-elle pour avancer comme si de rien n’était?» La question est brûlante en Colombie. Mais elle concerne chacun de nous. Entre l’invasion du people et la peur de «se prendre la tête», la société contemporaine est en train d’échanger le devoir d’information contre le plaisir de se divertir.
Geneviève Praplan
