Parlez-moi de la pluie

Affiche Parlez-moi de la pluie
Réalisé par Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 575

Critique

Avec le brio qu’on leur connaît, le duo Jaoui-Bacri signe une œuvre drôle, mais juste. On leur devra une révélation, celle de l’acteur Jamel Debbouze.

Quel est le sens du titre de ce film? «Comme d’habitude, c’est parce que nous n’avions pas mieux, avoue Jean-Pierre Bacri. Nous voulions de la pluie bien avant ce titre. Enfin, Agnès voulait de la pluie.» Et elle que le mauvais temps déprime: «Mais au cinéma, c’est joli la pluie.»

De la pluie, il n’y en a qu’un peu, mais bien sûr au plus mauvais moment. Agathe Villanova (Agnès Jaoui) fait de la politique. Michel (Jean-Pierre Bacri) et Karim (Jamel Debbouze) la choisissent pour le premier film d’une série sur les femmes qui ont réussi. Pourquoi elle? A première vue, parce que c’est plus facile: Karim l’a connue autrefois. Mais les raisons en sont plus complexes et des liens inavoués apparaissent, qui vont faire se rencontrer des personnes qui ne se connaissent pas. C’est dans cette famille improvisée que se font jour les difficultés existentielles de chacun, ces difficultés que Jamel Debbouze résume en deux mots, «l’humiliation ordinaire».

Le retour de ces excellents complices que sont Jaoui et Bacri est toujours un plaisir. Il s’affirme, comme dans les films précédents, du côté de la peinture de caractères, insistant encore plus sur ce qui lie les personnages. Une histoire de famille, une histoire d’amour, une histoire de divorce, une histoire d’immigration…

Quand une réalité sociale émerge, ce n’est pas en cheveu sur la soupe, mais pour rappeler le contexte quotidien de l’un ou de l’autre, sa souffrance, sa misère, cette injustice dont chacun se sent la victime… Le sexisme pour Agathe, la partialité parentale pour sa sœur Florence (Pascale Arbillot), le racisme pour Karim, la séparation d’avec son fils pour Michel.

Un film sur la victimisation qui frappe notre époque en quelque sorte. Elle: «Tant qu’on ne reconnaît pas aux victimes leur statut de victime et qu’il y a eu, effectivement, une faute commise envers eux, elle ne peuvent pas avancer…» Et lui: «Très vite, une position de minorité peut devenir confortable pour soi. Le statut de victime peut nous aveugler et nous faire fuir nos responsabilités. D’où notre envie de nous attacher à des personnages qui ont tendance à brandir leur statut de victime avant de considérer la responsabilité qu’ils ont dans l’échange avec les autres.»

C’est un bien grave sujet. Et pourtant on rit beaucoup! C’est tout l’art des deux Français que de savoir parler vrai en prenant du recul. Leur autre réussite, avec PARLEZ-MOI DE LA PLUIE, est la mise en lumière d’un Jamel Debbouze transfiguré. Son premier rôle «d’adulte», comme il dit, fait de lui un excellent acteur, juste au millimètre, retenu, touchant dans sa vérité d’émigré. Sa reconversion fait plaisir à voir; il faudra dorénavant compter avec elle.

Geneviève Praplan