Critique
"Vous rêvez d'une oeuvre de maturité, mais votre charme, Pierre, est d'être en pleine immaturité. Plus que de la complaisance envers sa réputation sulfureuse, cette réplique est peut-être une des clés de l'ombre qui gagne le dernier film de Leos Carax. De retour après une absence de huit ans (LES AMANTS DU PONT-NEUF), Carax nous inflige une mise en scène pénible.
POLA X débute sous le signe de la lumière. Pierre coule des jours heureux et oisifs dans le château de sa mère. Il s'apprête à épouser Lucie. Mais cette bluette au chic pastoral ne tient pas en place. Il suffit que Pierre croise une jeune vagabonde étrangère pour que le vrai jour se fasse. Et le vrai jour c'est l'obscurité. C'est le calvaire d'Isabelle qui lui révèle être sa demi-soeur abandonnée. Cette révélation quasi biblique bouleverse Pierre et l'amène à tout abandonner pour aller vivre à Paris avec Isabelle. Alors ne reste plus que la lente déchéance. Isabelle, le seul intérêt de la narration, est vouée à se fondre au noir et à céder la place au mythe creux de l'artiste maudit filmé à rebrousse-poil.
Répliques décalées, déclamations suspectes, style ostensible (la rencontre d'Isabelle dans la nuit), POLA X est un film en fin de vie dont les rares fulgurances ne font guère illusion. Certes le X doit être résolu à l'aide des images de guerre du premier plan. Un bombardement d'aviation extrait d'archives militaires. Certes Isabelle draine tout le sang noir de la Bosnie. Mais ces trop bonnes raisons n'empêchent pas l'ensemble d'agoniser. Carax fait du ratage l'art adéquat à ce monde cruel, et lui, bien réel. En tout cas, le X de POLA (acronyme du livre de Herman Melville ""Pierre ou les ambiguïtés"") se transforme en croix pour le spectateur."
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