Vie moderne (La)

Affiche Vie moderne (La)
Réalisé par Raymond Depardon
Pays de production France
Année 2008
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Ad Vitam
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 7 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 570
Bande annonce (Allociné)

Critique

On connaît le talent et l’honnêteté de la démarche de Raymond Depardon (10e CHAMBRE - INSTANTS D’AUDIENCE, 2004). Avec LA VIE MODERNE, c’est un documentaire tout en retenue qu’il nous offre aujourd’hui. Les paysans qu’il filme disposent de leur temps, vivent à leur rythme, sont en confiance et semblent avoir oublié l’existence même de la caméra.

Raymond Depardon est parti à la recherche de ses origines - il a passé une partie de son enfance dans une ferme - en filmant l’existence de quelques paysans de moyenne montagne. Cela dès 1998, s’inscrivant ainsi dans une certaine durée. Le cinéaste interroge de petits agriculteurs, leur demande de parler d’eux, de leur vie, de leurs difficultés financières, de leur avenir. Que deviendront ces derniers domaines que personne ne veut reprendre? Et s’ils sont repris un jour, dans quelle mesure seront-ils encore viables?

Un documentaire plein de respect pour ces paysans, paradoxalement à la fois très méfiants et très ouverts. Et si le spectateur se surprend à sourire, à rire même des réponses (ou du mutisme) des «personnages», ce n’est jamais parce qu’ils sont ridicules. Silence et distance semblent être les deux critères adoptés par Depardon dans sa démarche. Qui implique des temps faibles et des temps forts, et une place prioritaire donnée aux bruits, aux sons. Qui donne aussi au spectateur le temps de découvrir tout ce qu’il y a sur chaque plan, dans chaque image: de la pendule à la cafetière, de la toile cirée aux photos accrochées au mur…

Le monde campagnard que décrit Depardon est en train de disparaître. Tonalité du film et partition musicale seront donc nostalgiques.



Antoine Rochat





LA VIE MODERNE est un titre à la fois ironique et lourd de sens. Durant dix ans, Raymond Depardon a suivi, au cours des saisons, quelques paysans luttant pour survivre dans les collines des Cévennes et ailleurs en moyenne montagne de France. Il s’est lié d’amitié avec ces fermiers, ce qui lui permit de pénétrer dans leurs maisons et dans leur intimité. Souvent isolés, vivant avec leurs moutons et leurs chèvres, ces hommes et ces femmes ne sont pas bavards. Ils se livrent cependant à travers des propos entrecoupés de longs silences. Il semble que la caméra et le micro sont inexistants; démonstration, s’il le faut, de la délicatesse et du respect du cinéaste. Depardon se garde de toute démonstration et ne joue pas à l’ethnologue explorateur qui cherche à épater les gens des villes.

Le titre est ironique dans la mesure où ces agriculteurs vivent comme vivaient leurs ancêtres. Hormis l’apparition d’une machine agricole, le temps semble s’être arrêté. Certains de ces hommes n’ont guère eu le choix d’un métier particulièrement dur. D’autres, comme cet octogénaire au milieu de ses moutons qui parle le dialecte à son chien, ne craint pas d’affirmer sa passion et son attachement à sa terre caillouteuse.

Depardon est fils d’agriculteur. Il connaît ce monde rural. L’agriculture est devenue industrielle. L’homme de la terre s’est transformé. Il n’a plus de boue sur ses bottes mais du mazout sur ses mains. Et pourtant, la petite agriculture n’est pas morte. Malgré la précarité, des paysans y croient encore. Un garçon veut faire le métier de son père. Un jeune homme reprend le domaine de sa femme. Il ne craint pas de construire.

C’est finalement, loin d’une certaine ironie, un film plein de sens. Il est quelque part porteur d’espoir en l’homme qui sait encore où se trouvent ses valeurs. Des valeurs que la vie moderne est en train de détruire.



Maurice Terrail

Ancien membre