Tulpan

Affiche Tulpan
Réalisé par Sergey Dvortsevoy
Pays de production Allemagne, kazakhstan, Italie, Russie, Pologne, Suisse
Année 2008
Durée
Genre Comédie, Drame
Distributeur ARP Sélection
Acteurs Askhat Kuchencherekov, Samal Eslyamova, Ondasyn Besikbasov, Tulepbergen Baisakalov, Bereke Turganbayev
Age légal 7 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 570
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le cinéma kazakh commence à se faire connaître sous nos latitudes, et c’est tant mieux. Même si le spectateur est souvent dépaysé par de vastes étendues et une langue inconnue, il n’en est pas moins confronté à des thèmes universels et intemporels.

Comme beaucoup de cinéastes de l’Est, Dvortsevoy a été à l’école du documentaire, et TULPAN ne fait pas défaut à la règle, tant les comédiens agissent avec naturel et donnent l’impression d’être nés dans une yourte.

Après son service militaire dans la marine, Asa revient à la steppe, auprès de sa sœur et de son beau-frère qui mènent une vie nomade avec leurs bêtes. Mais il doit avant tout trouver femme. Une première visite à la famille d’une éventuelle candidate, malgré le présent de dix moutons et d’un lustre genre Murano, débouche sur un échec: Tulpan (Tulipe), qu’on ne verra jamais durant tout le film, car elle reste cachée derrière une porte...) ne veut pas du jeune homme aux oreilles trop grandes et décollées. Asa persévère et recourt à un argument que nous ne déflorerons pas ici... La vie continuera-t-elle pour Asa, dans la steppe ou ailleurs?

TULPAN fait rencontrer des personnages pittoresques et attachants, et propose des scènes bibliques (une brebis perdue mettant bas); il nous ouvre les yeux sur la vie simple qui nous manque si souvent sans que nous le sachions. Avec le sourire, il nous renvoie le reflet de ce qui reste d’une civilisation dite avancée lorsqu’elle arrive dans un monde perdu à nos yeux.



Daniel Grivel







Prix Un certain regard l’an dernier à Cannes, ce long métrage a trouvé le cœur de nombreux jurys, notamment à Zurich, Reykjavik, Montréal et Tokyo.

Lorsqu’Asa (Askhat Kuchinchirekov) revient de son service militaire, dans la marine, il s’installe chez sa sœur (Samal Yeslyamova) et son beau-frère (Ondasyn Besikbasov), ne souhaitant qu’une chose, perpétuer la vie qu’il a toujours connue dans la steppe kazakhe. Pour cela, il faut qu’on lui confie un troupeau. C’est une charge énorme pour un homme seul. Asa doit donc se marier. Las! Tulpan, la jeune fille sur laquelle il jette son dévolu ne veut pas de lui. Mais est-ce bien elle dont il s’agit? N’est-ce pas plutôt la mère qui met les bâtons dans les roues?

«Je veux montrer la vie», affirme le réalisateur. Quel magnifique acte de foi en la vie que ce film asséché de poussière, avec ses paysages sans horizons et son quotidien soumis à des gestes millénaires. Sergey Dvortsevoy rejette la distinction entre film de fiction et film documentaire. L’histoire d’Asa qu’il raconte ici pourrait être réelle, celle d’un homme qui veut fonder une famille et travailler. Dans les steppes kasakhes, cela ne va pas de soi; les jeunes préfèrent aller voir en ville. Quoi de plus compréhensible, en terre inhospitalière, que ce rejet des traditions? Quoi de plus attirant que les sirènes occidentales, qu’elles prennent la forme du prince Charles (un argument pour Asa, dont les oreilles décollées déplaisent à Tulpan...) et d’une maison avec capteurs solaires, ou qu’elles chantent par la voix du groupe Abba?

Cependant, les racines sont profondes; Asa connaît ce qu’il leur doit. Il veut rester, et son entêtement donne de la grandeur à l’œuvre. Il reste pour une femme désirée dont on ne verra jamais le visage. Parce qu’au fond, ce n’est pas tant elle qui compte, que la conviction du jeune homme de devenir berger. Autour de lui, les enfants, les animaux sont des réalités brutes, ils ne jouent pas la comédie et s’offrent en noble portrait du Kazakhstan. Beaux, purs, ils n’ont rien de fictif; la caméra met en évidence la dureté de leur existence. Dvortsevoy les filme en de longs plans, leur donne du temps réel, et rend ainsi la réalité quotidienne, si âpre soit-elle, à son immense souffle poétique.



Geneviève Praplan







Le cinéma, c’est la vie!



La vision de presse lausannoise de TULPAN avait lieu jeudi dernier. Je n’y suis pas allé, car je garde de ce film vu voilà près d’un an à Cannes un souvenir particulièrement vivace et une sensation de fraîcheur qui ne s’est pas fanée depuis. Les personnages évoqués par Dvortsevoy, petits et grands, sont très attachants et confondants de naturel, et je comprends que Geneviève Praplan ait été tentée de choisir le genre «docu-fiction». Au-delà de l’exotisme des paysages et du mode de vie (auxquels nous avons été initiés par URGA), l’histoire d’Asa prend une dimension universelle, comme l’avait fait jadis LES PETITES FUGUES. Des scènes sont inoubliables, telle la mise bas d’un agneau ou un chamelon chargé sur un side-car...

On ne peut que souscrire aux propos du réalisateur: «J’essaie toujours de trouver de la poésie dans la vie de tous les jours, quelque chose de métaphysique. Quand j’observe un phénomène social et que j’y réfléchis, je trouve une signification profonde, une image. (...) J’aime regarder, observer la vie. L’essentiel est là. Si vous aimez la vie, vous voyez beaucoup de choses, il faut juste faire attention. Le problème est que la plupart des gens n’aiment pas la réalité. Ils la trouvent sordide, sans intérêt, donc ils la fuient. Ils en ont peur. Moi, au contraire, j’aime la réalité, je l’adore, j’adore simplement la vie.»



Daniel Grivel

Ancien membre