Critique
«Je l’ai pas fait exprès!» Sur ce thème rebattu, le réalisateur scandinave Ruben Östlund s’amuse à proposer plusieurs variations, enchaînant les situations originales ou cocasses, les trajectoires surprenantes, sur fond d’humour suédois. On va donc croiser Leffe, qui aime jouer à l’imbécile pour ses amis et faire des blagues salaces, surtout quand il a bu; il y aura aussi une maîtresse d’école trop zélée qui trouve que ses collègues manquent un peu d’instruction; il y aura deux adolescentes un peu cruches qui aiment se photographier «sexy» et faire la fête; on participera aussi à un voyage dans un bus chahuté et à une fête de famille mouvementée. Toutes ces situations en apparence banales vont déraper gentiment, sans que personne ne se sente ouvertement responsable de ce qui arrive. Le cinéaste porte ainsi un regard drôle sur les leçons à tirer des événements, et sur les limites à ne pas franchir.
INVOLONTAIRES parle de ceux qui font trop attention à ce que l’on peut penser d’eux et qui, terrorisés à l’idée de perdre la face, iront jusqu’à (se) cacher la vérité. Comme cette écolière qui, dans une scène clé du film, doit déterminer laquelle de deux lignes tracées sur une feuille de papier est la plus longue. A deux reprises, les autres élèves de la classe prennent le contre-pied de sa réponse et affirment le contraire (tout avait été prévu par la maîtresse). La troisième fois, pour ne pas paraître idiote, l’écolière désigne - contre toute évidence! - la ligne la plus courte… Cette séquence résume toutes les autres.
La structure fragmentée de INVOLONTAIRES - plusieurs tranches de vie en forme de mosaïque, filmées en longs plans séquences - peut dérouter. Elle implique de la part du spectateur un travail de décryptage, de reconstruction et de remise en place des morceaux du puzzle. On peut rechigner devant cette tâche, tout comme on peut entrer dans le jeu, apprécier cette liberté stimulante et y trouver un certain plaisir.
Antoine Rochat
