Critique
Rebecca (32 ans) et son mari Julian (34 ans) attendent leur premier enfant. La grossesse se passe bien, la future mère est épanouie, et lorsque Rebecca donne naissance à un petit garçon en parfaite santé, on se dit que tout est pour le mieux. Mais quelque chose va pourtant se dérégler: Rebecca ne ressent pas d’amour maternel pour son enfant, elle panique et commence à se poser des questions. Ne sachant pas où chercher de l’aide, elle en arrive assez vite à considérer son propre bébé comme un étranger. Incapable de s’occuper de lui, découvrant aussi qu’elle peut le mettre en danger, elle va laisser son mari et sa belle-sœur prendre la relève. Il faudra l’intervention d’un psychiatre et un internement en clinique pour la remettre sur pied.
Deuxième long métrage de la cinéaste franco-iranienne Emily Atef, L’ETRANGER EN MOI aborde ici un problème peu cinématographique - une dépression post-partum -, s’efforçant de raconter le désarroi d’une mère et le long chemin d’une reconstruction de soi. Un sujet complexe traité avec tact et pudeur. La lente remontée à la surface de Rebecca s’accompagnera de conflits avec son mari, avec ses proches aussi, qui ont tous pris leurs habitudes et ne sont guère enclins à lui faire confiance.
Pas facile de raconter tout cela en une heure et demie: la narration - volontairement linéaire et souvent déconstruite - en souffre parfois. Le film témoigne pourtant d’une belle générosité. Il n’y aura peut-être pas de happy end, mais Rebecca aura appris à accepter en elle cet autre «étranger», qui se révèle finalement être une part d’elle-même qu’elle refusait d’imaginer. Le film donne sa part à une forme d’émotion retenue et s’en vient par moments côtoyer la tragédie, tout en explorant finement, à partir d’une naissance - un événement qui peut s’accompagner d’un chamboulement familial -, la complexité des rapports et des sentiments humains.
Antoine Rochat