Critique
Après une éclipse de quelques années, durant lesquelles il tourna entre autres l’excellent portrait de François Mitterrand (LE PROMENEUR DU CHAMP DE MARS, 2005), Robert Guédiguian revient à ses racines marseillaises et retrouve son trio de comédiens. Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan et les quartiers populaires de Marseille constituent une forme d’identité du réalisateur né en 1963 dans la cité phocéenne. Au reste, le film narre l’histoire d’une amitié qui résiste aux drames et au temps et qui est née dans l’adolescence, au moment où les Rolling Stone chantaient «Lady Jane». C’est donc un lieu du souvenir et un besoin de continuité, bien davantage qu’un polar, dont le film a pris la forme. Images sombres, film de nuit qu’éclaire par moments le paysage des rochers au bord de l’eau et des chantiers navals sur l’étang de Berre.
Mais c’est aussi un scénario un peu confus, dont le spectateur met du temps à dénouer l’écheveau. C’est que le cinéaste-scénariste a voulu dire beaucoup de choses importantes d’une manière déguisée pour laisser au public le soin de la découverte et de la réflexion.
Le besoin de vengeance est au cœur de ce portrait de groupe. Par moments elle semble justifiée et, tout d’un coup, elle prend une forme inacceptable quand elle sombre dans la violence. La mort d’enfants en est le paroxysme et exprime le besoin de choquer pour mieux dénoncer.
En plongeant dans le passé et en évoquant les drames et les frustrations de l’enfance, Guédiguian touche à la psychanalyse, dont il se sert avec une certaine maladresse. Il en va de même de l’interrogation qui naît de ce film sur le sens des choses et sur le sens de l’existence. Involontairement peut-être, c’est la question que se posent les personnages d’un film qui les conduit très loin de la banalité. Finalement elle est posée au spectateur qui parvient à s’y retrouver dans les arcanes de ce scénario.
Maurice Terrail
