Zona, propriété privée (La)

Affiche Zona, propriété privée (La)
Réalisé par Rodrigo Plá
Pays de production Mexique
Année 2007
Durée
Musique Fernando Velázquez
Genre Drame
Distributeur Memento Films
Acteurs Daniel Gimenez-Cacho, Maribel Verdú, Carlos Bardem, Daniel Tovar, Alan Chávez
N° cinéfeuilles 565
Bande annonce (Allociné)

Critique

Une cité résidentielle de Mexico: murs, barrières électrifiées, caméras de surveillance, tout le quartier est protégé par un service de sécurité privé. Au-delà de l’enceinte, les bidonvilles et la misère. Profitant d’un incident, trois jeunes garçons des favelas vont réussir à s’introduire dans une villa. L’affaire tourne mal: une femme et un policier de la ville sont tués, les vigiles privés font leur propre justice et liquident deux des voleurs…

Deuxième film de Rodrigo Pla, réalisateur mexicain, ce thriller évoque une situation propre aux grandes villes d’Amérique latine, stigmatisant au passage la corruption policière et l’injustice sociale devant les forces de l’ordre. LA ZONA est construit comme un polar, et le suspense est de mise. La galerie des personnages est assez complète: comportements, attitudes, choix moraux possibles, le cinéaste n’a rien oublié. Sinon de replacer cette enquête policière un peu plus profondément dans son tissu social, de l’enrichir d’une réflexion plus pointue, ce qui aurait permis de mieux comprendre comment peut naître une telle cruauté et un tel besoin de vengeance collective.



Antoine Rochat





Faut-il vivre derrière des murs pour se sentir en sécurité? Douloureuse question que ce film aborde avec une belle maîtrise.

Ce long métrage de Rodrigo Plá, réalisateur uruguayen, a obtenu le Prix de la critique internationale à Toronto 2007, le Lion d’Or du meilleur premier film à Venise 2007 et le Prix du public au dernier festival de Fribourg. Ces récompenses sont méritées tant pour la qualité de la réalisation que pour celle d’un scénario troublant, qui éclaire un sujet peu débattu alors qu’il est très présent dans les sociétés riches, celui de se protéger et de se faire justice.

Comme beaucoup de villes des pays pauvres, Mexico possède son quartier riche, La Zona, encerclée de hauts murs et protégée par des vigiles privés. Une nuit, trois adolescents réussissent à y pénétrer et s’introduisent par effraction dans une maison. Le cambriolage tourne mal, la propriétaire est tuée tandis que le service de sécurité, alerté, abat deux jeunes. Le troisième s’échappe. Pour ne pas perdre leur «Constitution» de privilégiés, les habitants de La Zona cachent le drame à la police et décident de rendre leur propre justice.

LA ZONA, PROPRIETE PRIVEE est un arrêt sur l’image d’un scandale. Scandale de la richesse qui se croit tout permis parce qu’elle peut tout s’offrir. Scandale d’une forteresse de luxe au pied des bidonvilles. Scandale de l’aveuglement face à la misère et à son entretien. Où cela mène-t-il, sinon à la corruption, la violence et l’injustice?

Avec une belle maîtrise technique, une image blanche qui laisse peu de chance à l’espoir, le réalisateur uruguayen plonge sa caméra dans une réalité dont le sordide n’est pas forcément du côté où l’on croit. Le scénario est une fiction, mais lardé d’éléments d¹actualités. Le contraste est brutal entre le quartier riche, uniformisé par sa réglementation et les quartiers pauvres qui lui font face, uniformisés, eux, par la misère. Mais il existe.

Les habitants de La Zona ont rédigé leur propre loi et l’inculquent à leurs enfants. C’est œil pour œil, dent pour dent, comme si ce refrain venu de la nuit des temps n’avait pas largement fait la preuve du contraire. La justice qu’ils rendent leur appartient, elle est le fruit de l’arbitraire, les repères ont disparu. Pourtant, pris dans le vertige sécuritaire, ces habitants étouffent derrière leur mur, sous leur caméra, avec le téléphone des gardiens qui, de l’entrée, signalent les arrivées. Ceux d’entre eux qui doutent prennent le risque d’être rejetés par le groupe. C’est une autorégulation naturelle, glaciale, dans laquelle tout le monde se trouve piégé. A ce point, ne vit-on pas mieux en face?

Rodrigo Plá signe un premier film dur, fort, sur un délire qu’il ne faut surtout pas circonscrire au Mexique. «La Zona est la métaphore des murs bien réels qui s’élèvent pour séparer, pour empêcher de passer. Ils donnent la dimension exacte de l’incapacité des humains à résoudre ses problèmes. Plus ils sont hauts, plus ils reflètent la stupidité et l’intolérance des hommes.» Un protagoniste du film lui donne raison: «Je me demande comment vivront mes enfants plus tard», dit-il. «Emmurés?»



Geneviève Praplan

Ancien membre