Critique
Ce théâtre-là, c’est celui du Service chirurgical du CHUV, à Lausanne. Le cinéaste Benoit Rossel a reçu l’autorisation de pénétrer dans le monde particulier de la chirurgie, dans un territoire qu’il définit comme occupé par une «tribu arrogante et secrète»… Un service qui intervient souvent en urgence, dans des conditions de travail difficiles, dans des situations parfois désespérées.
LE THEÂTRE DES OPERATIONS se présente à la fois comme un documentaire sur le fonctionnement du bloc opératoire du CHUV et comme une réflexion plus générale sur la formation des chirurgiens, et sur la spécificité des stages pratiques qu’ils doivent suivre en milieu hospitalier. La parole est ainsi donnée à plusieurs professeurs du CHUV - on ne citera pas leurs noms, de peur d’en oublier quelques-uns - qui s’efforcent de définir le cursus complexe de cette formation, et qui insistent sur la nécessité d’une motivation très sérieuse si l’on veut tenir le coup. Aux qualités professionnelles - scientifiques, psychologiques, relationnelles, etc. - requises, s’ajoute encore la connaissance indispensable des responsabilités d’ordre juridique qu’endosse chaque praticien.
La caméra de Benoît Rossel suit tout spécialement le travail quotidien d’un jeune chirurgien. Ce sera le fil rouge de ce documentaire intéressant, qui n’a rien de superficiel, qui ne cherche pas le sensationnel, mais qui n’évite pas non plus les images fortes lorsqu’elles se révèlent nécessaires. Un commentaire donné en voix «off» et quelques éléments musicaux accompagnent par moments la démarche - sans apparaître par ailleurs véritablement indispensables. La qualité du film tient essentiellement à la finesse de la description des gestes opératoires, ceux du chirurgien responsable d’abord, mais ceux aussi de toute l’équipe qui entoure le «boss» et ses assistants, de l’anesthésiste et de l’instrumentiste aux infirmières, infirmiers et aides de salle. Le «théâtre des opérations», c’est aussi un lieu de bataille, de combat pour la vie, où chacun tient un rôle précis. Un «théâtre» d’une rigueur extrême, de haute tension dramatique, un peu magique et secret puisque tout public en est exclu. Une bonne occasion donc d’y aller voir…
Antoine Rochat
