Paysages manufacturés

Affiche Paysages manufacturés
Réalisé par Jennifer Baichwal
Pays de production Canada
Année 2006
Durée
Musique Dan Driscoll
Genre Documentaire
Distributeur Ed Distribution
Acteurs Edward Burtynsky
N° cinéfeuilles 563
Bande annonce (Allociné)

Critique

Edward Burtynsky, photographe canadien d’origine ukrainienne, travaille à la présentation de paysages industriels. Sa démarche est basée sur la relation complexe qui lie l’industrie et la nature, la seconde alimentant la première, souvent à ses dépens. Développés sur de très grands formats, les tirages de Burtynsky font l’objet d’importants accrochages dans des musées comme le Moma et le Guggenheim de New York, ou la Bibliothèque nationale de Paris.

C’est ce travail qu’explore la réalisatrice Jennifer Baichwal. Elle suit le photographe en Chine lors d’un voyage destiné à documenter les bouleversements consécutifs au développement effréné du pays. La nature nous a faits et nous la détruisons au nom du progrès, constate Burtynsky, tandis que Baichwal filme les interminables chaînes de montage sur lesquelles se penchent des milliers de travailleurs chinois. Des cités d’usines, des cités de conteneurs, des cités de décharges… Plus loin, de vraies cités humaines sont rasées au bénéfice du colossal barrage des Trois-Gorges qui fournira l’énergie. Dans ces villes, hommes et femmes sont payés «à la pierre», pour démolir les maisons.

Les deux artistes sont d’excellents complices, leurs démarches s’associent dans la générosité et l’objectivité. «Je ne suis là ni pour glorifier, ni pour condamner l’industrialisation», dit le photographe dont le très beau travail démontre aussi l’importance de l’esthétique. Par le cadrage, l’éclairage, les couleurs, il attire le regard sur des paysages hideux dont il ne dissimule jamais la réalité, ouvrant ainsi de nouveaux champs de réflexion.

Comme lui, la réalisatrice est discrète dans sa critique du régime chinois. La langue de bois, la peur d’une publicité négative, le massacre des traditions sont à l’écran. Mais il serait difficile de ne pas aller plus loin et de couper la Chine du reste du monde. Les ordinateurs qu’elle recycle lui arrivent de partout, les monceaux de ferraille aussi, la chaîne commerciale renverra à l’Ouest les articles neufs, fabriqués pour pas cher.

Edward Burtynsky voit «la fête du pétrole» dans le cycle infernal de la consommation. Il perçoit aussi que la Chine sera la dernière, ou l’avant-dernière, à participer au bal. Et de constater que chacun ressent un malaise en découvrant, telle une autodestruction, la transformation des paysages par l’homme. La prise de conscience est là, mais la volonté de changement exigera encore du temps.

Geneviève Praplan