It's a free World!

Affiche It's a free World!
Réalisé par Ken Loach
Pays de production Grande-Bretagne, Italie, Allemagne, Espagne, Pologne
Année 2007
Durée
Musique George Fenton
Genre Drame
Distributeur Diaphana Films
Acteurs Kierston Wareing, Juliet Ellis, Leslaw Zurek, Joe Siffleet, Colin Coughlin
N° cinéfeuilles 561
Bande annonce (Allociné)

Critique

La critique sociale, chez Ken Loach, est toujours radicale. Avec IT’S A FREE WORLD!, le cinéaste parle du monde du travail et des problèmes liés à l’immigration. On est en Grande-Bretagne, mais son propos éclabousse loin à la ronde. Le film est beau, même si la chronique est amère.

Dans presque tous ses films, Ken Loach s’est attaché à dépeindre, avec réalisme et sans concession, les problèmes sociaux du Royaume-Uni: pauvreté, chômage, crise économique, immigration, difficultés familiales ou dysfonctionnement des services sociaux. S’il y a une constante fondamentale dans son cinéma, c’est bien celle de la gravité. Il faudrait sans doute remonter aux années 90 (RIFF-RAFF ou RAINING STONES) pour trouver chez lui une vision du monde un tant soit peu teintée d’humour.

IT’S A FREE WORLD! (Prix du scénario à Venise en 2007) est le fruit de la neuvième collaboration de Loach avec l’écrivain Paul Laverty. L’histoire est celle d’Angie (Kierston Wareing), jeune et belle femme qui, boutée hors d’une agence de recrutement de travailleurs polonais suite à un geste d’humeur, décide d’ouvrir son propre bureau de placement. Energique et ambitieuse, elle se débat dans sa vie et élève seule - avec un petit coup de main de ses parents - son fils Jamie. La caméra de Ken Loach la suit pas à pas dans le monde douteux des agences pour l’emploi qui tirent les plus gros profits de leur commerce illicite. Bien épaulée par son amie Rose (Juliet Ellis) - une femme de son âge, plus mûre qu’elle et qui cherchera à éviter les dérives -, Angie risque de plus en plus gros dans une activité se situant aux frontières de l’illégalité, entre le monde des sans-papiers exploités et celui des véritables caïds qui s’efforcent de contrôler ce juteux trafic de contrebande humaine.

Victime du système économique et social, Angie cherche sa revanche, exploitant son monde avec un cynisme certain. Figure pleine de contradictions, elle tente parfois de se montrer généreuse, mais elle échoue. Sa vie sera faite de désillusions et de violences. Opportuniste et intransigeante, elle se laissera séduire par l’argent facilement gagné sur le dos d’ouvriers étrangers considérés comme des esclaves. Son instinct de survie l’entraînera du côté des exploiteurs et des mafieux, les ouvriers ukrainiens remplaceront les Polonais, la boucle sera bouclée, l’engrenage mis en place.

Abordant plusieurs sujets à la fois, le film de Ken Loach souffre parfois d’une forme de dispersion. Tantôt il s’agit des immigrés clandestins et de la précarité de l’emploi (une main-d’œuvre mal payée qui a l’avantage d’empêcher les prix de grimper), tantôt c’est le problème plus général des laissés-pour-compte de la croissance économique anglaise, tantôt on revient au personnage central d’Angie et à son refus d’accepter le monde symbolisé par son père qui a travaillé dur toute sa vie sans pouvoir bénéficier d’une retraite correcte. Les pistes du film sont nombreuses, les problèmes complexes.

Ces petites réserves faites, on signalera une fois de plus le talent du cinéaste et les qualités indéniables d’un film qui rejoint parfois, par son naturel et son sens aigu de la description, le meilleur des documentaires. Les acteurs sont parfaitement à l’aise, en confiance, et capables de laisser leurs émotions s’exprimer. La caméra adopte toujours la bonne distance, la narration est fluide, les changements de rythme bien amenés, le montage discret.

On entend souvent dire que les films de Ken Loach se ressemblent tous. Eh! bien, tant pis si le cinéaste britannique se répète, tant pis si on sait peut-être ce qu’on va (re)trouver sur l’écran. Généreux dans son témoignage, cherchant à convaincre, Ken Loach n’est certes pas du genre à rassurer son monde, ni à le consoler. Mais son œuvre est l’exemple d’une grande lucidité et d’une rare cohérence. Un cinéma personnel, riche, engagé, et qui impose le respect.

Antoine Rochat