The Bubble

Affiche The Bubble
Réalisé par Eytan Fox
Pays de production Israël, France
Année 2003
Durée
Musique Ivri Lider
Genre Drame
Distributeur Ad Vitam
Acteurs Ohad Knoller, Alon Friedman, Yousef Sweid, Daniela Wircer, Zion Baruch
N° cinéfeuilles 556
Bande annonce (Allociné)

Critique

A travers la jeunesse de Tel-Aviv, Eytan Fox porte un regard impartial sur les frontières politiques, sociales et mentales qui grillagent le Proche-Orient.

Il faut bien vivre. Si Tel-Aviv est surnommée «La Bulle», c’est parce qu’essaient d’y respirer des personnes qui voudraient ne plus entendre ni les cris des querelles, ni le bruit des armes, ni l’explosion des bombes. S’enfermer dans cette bulle, c’est oublier les réalités qui gouvernent le Proche-Orient. Mais c’est aussi, quand les fragiles parois de la bulle éclatent, s’exposer au violent contraste entre ce paisible aveuglement et la fureur quotidienne. Eytan Fox dit que le surnom de Tel-Aviv contient une connotation péjorative, l’attitude de ceux qui se protègent dans La Bulle est jugée superficielle et irresponsable. «Naturellement, ce n’est pas ce que nous pensons. Cette ‘bulle’ est, selon nous, un mécanisme de survie.»

C’est sous cet angle que le réalisateur israélien et son scénariste, Gal Uchovsky, ont tourné THE BUBBLE, film qui dresse avec un douloureux mélange d’humour, d’ironie et de tendresse, le portrait d’une jeunesse vivant au jour le jour. Il y a Noam (Ohad Knoller), disquaire désabusé et sombre, qui rentre d’un mois d’armée à Naplouse, à un barrage de l’armée israélienne. Il y a Lulu (Daniela Wircer), vendeuse de produit de beauté et Yali (Alon Friedman), gérant de café. Ces trois amis s’étourdissent en participant à des rencontres pacifistes, mais vont aussi au théâtre où l’on parle d’Auschwitz. Or, sans le savoir, Noam a été suivi par Ashraf (Yousef‘ Joe’ Sweid), qu’il avait remarqué lors d’un incident au barrage. L’arrivée du Palestinien fait éclater les parois de la bulle.

Pendant un instant, lorsque l’amour s’affirme entre Noam et Ashraf, on peut croire que le récit n’est qu’un film de plus sur l’homosexualité ordinaire. C’est compter sans l’expérience des auteurs, eux-mêmes habitants de La Bulle. A travers l’histoire des deux protagonistes, c’est celle d’Israël et de la Palestine qu’ils racontent: d’un côté, une famille déchirée par les points de vue opposés, de l’autre une famille qui vit dans les destructions.

Sorte de Roméo et Juliette, ce film joue les passe-muraille à travers tous les interdits qui grillagent la région. L’homosexualité a beau tenir ici une place entière, elle n’est qu’un symbole de ces multiples et étouffantes frontières, de ces incompréhensions qui composent le tissu même de la société proche-orientale. Ashraf et sa sœur s’affrontent, l’un et l’autre en demande éperdue d’empathie. «Tu dois me comprendre!», «Non, c’est à toi de me comprendre!», pendant que le public, amer, constate que tous les deux ont raison. Selon leur point de vue. Comment arriver à la paix? C’est la scène la plus angoissante du film.

Eytan Fox et Gal Uchovsky montrent avec beaucoup de pertinence et une neutralité exemplaire les glissements incessants entre une existence légère, joyeuse, et les tragédies sous-jacentes. L’une et les autres vont constamment de pair, personne ne s’illusionne à ce propos. En conséquence, la tension est perpétuelle: n’importe quoi peut advenir à tout instant. Et si l’utopie d’un amour homosexuel entre un Israélien et un Arabe semble se réaliser un bref instant, ce n’est que pour replonger plus avant dans une politique dont, à en croire THE BUBBLE, plus personne ne veut.

Geneviève Praplan