Critique
Le cinéaste Nacer Khemir avait 12 ans lorsqu’il a découvert les œuvres de Paul Klee. Il est séduit au point de décider qu’un jour il sera peintre, lui aussi. Beaucoup plus tôt, en 1914, Paul Klee était venu dans le Maghreb. Deux semaines lui avaient suffi pour en être marqué. Deux semaines au cours desquelles il est allé de Tunis à Kairouan. Il note dans son journal de voyage: «Ça résonne si profondément en moi, je le sens, sans aucun zèle. La couleur me possède. Je n’ai pas besoin de la chercher. Je lui appartiens pour toujours, je le sais. C’est le plus merveilleux constat: moi et les couleurs nous ne faisons qu’un. Je suis peintre.»
De son côté, le réalisateur suisse Bruno Moll s’inquiète de voir se fissurer les relations entre l’islam et la chrétienté, «deux cultures avec les mêmes racines s’opposent». Son souci de rappeler cette origine commune transparaît dans ce documentaire à trois personnages: Nacer Khemir, Paul Klee et la peinture, étroitement liés aux paysages sans jamais céder au pittoresque. Sur fond de lecture du journal de Klee, dans le beau décor tunisien, le cinéaste refait et commente le voyage du peintre.
C’est un beau film, aux images très picturales, chargé d’art et de philosophie. Nacer Khemir est de ceux qui revendiquent l’importance de ce que fut la culture arabe et son influence sur l’Occident. Il en mesure aussi les limites contemporaines et en appelle à l’ouverture. C‘est une raison, au moins, pour laquelle il faut voir ce VOYAGE A TUNIS.
Geneviève Praplan
