Critique
Alex (Gilbert Melki), comptable consciencieux, et Béatrice (Sandrine Kiberlain), chauffeur de taxi ronchon, forment un couple sans histoires. Mais en rentrant du boulot Alex assiste un soir à un contrôle d’identité un peu musclé. Il veut savoir ce qui se passe, il aime la justice et l’ordre. La police lui demande de circuler, mais il refuse d’obtempérer. Le ton monte, le voilà emmené au poste pour la nuit. Le lendemain matin, pas de veine, il s’entête et demande à voir un commissaire pour se plaindre de son traitement. En réponse, il se voit embarqué à l’hôpital. Et ses ennuis ne font que commencer…
Alex a ses raisons et ses droits, explique la réalisatrice, tout comme la police a les siens. Et le médecin aussi a le droit de faire signer à Béatrice une DHT (une demande d’hospitalisation par un tiers, qu’elle signe d’ailleurs très sottement sans même lire le texte!). Chacun a ses droits, mais la machine se grippe. Alors que faire? La réponse finale sera assez inquiétante.
TRES BIEN, MERCI est une tragi-comédie qui a peut-être été inspirée à la cinéaste par la présence policière dans les rues, par les contrôles d’identité, par diverses chicanes administratives ou une forme d’obsession de l’ordre et de la normalité. A partir de là, Emmanuelle Cuau tente de faire passer un message assez pessimiste et amer, usant de la dramatisation de situations quotidiennes et jouant sur la cocasserie de l’engrenage quasi kafkaïen dans lequel tombent Alex et Béatrice. L’histoire de ce cauchemar éveillé prend dès lors l’allure d’une petite parabole socio-politique ou d’un conte voltairien: la conclusion - cynique, mais peu convaincante sur le plan cinématographique - ne laissera aucun doute sur le sens à donner au film.
Film lent, sympathique, un peu fauché, TRES BIEN, MERCI surprend tout de même par une écriture bien maîtrisée (plans structurés et simples, sens de l’image, décors parfaits, dialogue adéquat - enfin un film français où l’on ne bavarde pas trop!), par l’acuité du regard de la réalisatrice, par l’habileté du scénario, soutenu par l’excellente interprétation des deux comédiens bien dirigés. L’entreprise était intéressante, mais elle n’est toutefois pas aboutie On regrettera que le récit donne une part trop belle à des digressions qui ne se justifient pas.
Antoine Rochat