Manufacturing Dissent

Affiche Manufacturing Dissent
Réalisé par Debbie Melnyk, Rick Caine
Pays de production Canada
Année 2007
Durée
Genre Documentaire
Acteurs Richard Gere, Michael Moore, Rick Caine, Mark Dowie, Janeane Garofalo
N° cinéfeuilles 554

Critique

Amour déçu? Toujours est-il que Debbie Melnyk et Rick Caine, à l’origine fans de Michael Moore, décortiquent méticuleusement la méthode du sumotori étasunien du documentaire, dans l’idée de montrer qu’il est plutôt le roi du «docu-menteur». Le titre du long métrage suggère la fabrication de divergences d’opinion.

Les deux documentaristes canadiens se sont attachés à suivre Michael More à la trace, de ses années de collège dans une ville traumatisée par la fermeture d’une usine de la General Motors à son apothéose palmée d’or. C’est l’occasion d’assister à l’ascension d’un «gauchiste» vomi par les partisans de George W.: météorique rédaction en chef d’une revue contestataire, réalisation de ROGER ET MOI, de BOWLING FOR COLUMBINE et de FAHRENHEIT 9/11, puis de SICKO (actuellement sur les écrans de Suisse romande, voir CF n. 552, pp. 8-9).

Dans ROGER ET MOI, Moore prétendait n’avoir jamais réussi à interviewer Roger Smith, président de la General Motors, qui se serait retranché derrière un mutisme voire une attitude fuyante attestant de sa culpabilité, alors que celui-ci était disposé à répondre à son accusateur.

Les réalisateurs canadiens démontent les tripotages de BOWLING FOR COLOMBINE (qui a rapporté quelque 53 millions de dollars): ils ont retrouvé les employés de la banque ayant offert une carabine à Moore pour avoir ouvert un compte dans l’établissement, et il s’avère que l’affaire est - c’est le cas de le dire - un pétard mouillé. La rencontre avec Charlton Heston, alors président de la National Rifle Association groupant les défenseurs de l’arme individuelle, avait à l’époque laissé au soussigné une sensation de profond malaise - avec raison, car il apparaît que Moore a menti pour obtenir l’interview et a accommodé la vérité à sa manière. Ce qui n’a au demeurant pas empêché des massacres ultérieurs dans des lycées.

Même démarche dans FAHRENHEIT 9/11 (pas loin de 200 millions de dollars), où le défenseur autoproclamé de la démocratie cherche à ridiculiser le président étasunien par des images sorties de leur contexte. Cette démarche, et l’activisme déployé par Moore lors de la campagne électorale de 2004 (on le voit en tribun populiste et démagogique - je sais, c’est un pléonasme... - devant des foules électrisées) n’ont pas pour autant barré la route de George W. vers sa réélection.

Quant à SICKO, sa vision de la France comme paradis de la santé publique fait sourire nos voisins: un pays où un ménage moyen gagne de 7’000 à 8’000 euros (!) par mois et donne la priorité au poisson dans son budget alimentaire... Reste que Michael Moore a toujours su habilement mêler divertissement et politique, ce qui n’est pas rien dans une société-spectacle (voir notamment les réunions électorales et les émissions des télévangélistes).

Un hic, mais de taille, dans le documentaire canadien: on a l’impression que les réalisateurs recourent aux mêmes ficelles que leur cible, allant jusqu’à se réclamer d’une chaîne fictive de télévision pour accéder à une conférence de presse donnée par Moore - qui, par ailleurs, n’a jamais accordé d’interview à Debbie Melnyk. Daniel Schneidermann, dont la remarquable émission «Arrêt sur image» a été sacrifiée sur l’autel du sarkozyment correct, retrouverait ici d’intéressants champs d’investigation...

Daniel Grivel