Scaphandre et le Papillon (Le)

Affiche Scaphandre et le Papillon (Le)
Réalisé par Julian Schnabel
Pays de production U.S.A., France
Année 2007
Durée
Genre Drame, Biopic
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs Patrick Chesnais, Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Anne Consigny, Marie-Josée Croze
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 547
Bande annonce (Allociné)

Critique

Julian Schnabel s'est attaché à une destinée tout à fait particulière, celle de l'ancien rédacteur en chef du magazine Elle, Jean-Dominique Bauby, totalement paralysé à la suite d'un accident cardio-vasculaire survenu en décembre 1995, mais qui a réussi néanmoins à dicter un livre devenu un best-seller. Peintre et cinéaste américain, Julian Schnabel réalise ici un petit tour de force en nous livrant un film inattendu, personnel et émouvant.

Présenté en compétition à Cannes sous bannière française, LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON est son troisième film. Cinq ans après BASQUIAT, long métrage dédié à l'artiste new-yorkais du même nom et description du monde de l'art contemporain des années 80, Julian Schnabel avait réalisé AVANT LA NUIT (2000), un film racontant la vie, l'univers intérieur et le courage de l'écrivain cubain Reinaldo Arenas, persécuté par le régime castriste à cause de son homosexualité et de ses écrits.

LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON s'inscrit dans la suite de cette réflexion sur l'artiste et le travail de création. Mais adapter le roman de Jean-Dominique Bauby au cinéma tenait de la gageure: comment en effet traduire en images la vie intérieure d'un homme paralysé et muet, qui ne peut communiquer avec son entourage qu'à l'aide de sa seule paupière gauche, dernier lien avec ses proches, dernière fenêtre sur le monde? Un battement de paupière pour dire oui, deux pour dire non...

Enfermé dans son monde intérieur, Jean-Dominique Bauby se définit tantôt comme le scaphandrier prisonnier des eaux, tantôt comme le papillon épris de liberté s'envolant vers l'imaginaire. Durant les deux ans qu'il passe ainsi à l'hôpital, il découvre un autre sens à sa vie. Grâce à l'écriture, grâce à une pensée restée intacte et à une grande capacité de rêver, il va livrer son moi profond, regrettant de n'avoir pas su profiter des choses essentielles - il parle de ses enfants -, de n'avoir pas pu recommencer une nouvelle existence - il venait de quitter sa femme. Un retour sur soi-même qui s'accompagne parfois d'un sentiment de culpabilité, une revisitation douloureuse et souvent bouleversante de sa vie.

Traduire en images la complexité de ce monde intérieur, seul un peintre pouvait sans doute le faire. Julian Schnabel a réussi à entraîner le spectateur dans un voyage subtil, dans un récit dont l'intérêt ne faiblit jamais, dans une évocation d'une grande richesse. L'écriture est fine, colorée, la photographie superbe, la symbolique précise. Le plus remarquable est sans doute l'utilisation de la voix off qui fait du spectateur l'unique confident du personnage principal, puisque personne d'autre que lui ne peut savoir ce qui se passe dans sa tête.

La première moitié de ce film tout imprégné d'une intimité qui se veut totale est filmée du point de vue de Jean-Dominique Bauby: les images qu'il découvre en se réveillant de trois mois de coma sont celles de son entourage immédiat, tantôt floues, tantôt nettes. Son propre visage n'apparaît que fortuitement, au détour d'un miroir qu'on lui présente. Images souvent décadrées, étranges et imparfaites, se fixant tout à coup sur un détail ou se perdant dans des zones d'ombre.

Dans la deuxième partie, le point de vue change: l'aide efficace du personnel soignant va permettre à Bauby de communiquer avec son entourage, avec sa famille et les proches qui lui rendent visite. Maîtrisant de mieux en mieux le système d'énumération de l'alphabet lié au clignement de sa paupière, il pourra quitter son scaphandre et devenir papillon. Surgissent alors beaucoup d'images venues du passé, un passé qui s'estompera au fil des jours et finira par se brouiller. Le rythme s'accélère, l'imaginaire prend le relais de la réalité, l'instant présent se mélange aux songes, aux cauchemars aussi.

LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON est un drame qui n'exclut pas des instants d'humour, même si l'émotion est constamment présente. Les acteurs font preuve d'une grande sensibilité de jeu, d'une grande justesse de ton: Marie-Josée Croze, dans le rôle essentiel de l'orthophoniste, Anne Consigny, discrète interprète du langage de la paupière, sont excellentes. Sans oublier les autres, Mathieu Amalric (Bauby), Emmanuelle Seigner, Patrick Chesnais, Max von Sydow (dans une très belle scène père et fils), Marina Hands, Jean-Pierre Cassel. Une distribution essentiellement française, mais assez éloignée des productions habituelles de l'Hexagone: voilà un beau film - français donc - tourné par un peintre-cinéaste américain. Ce qui fait sans doute toute la différence.

Antoine Rochat