Nue Propriété

Affiche Nue Propriété
Réalisé par Joachim Lafosse
Pays de production France, Belgique
Année 2006
Durée
Genre Drame
Distributeur Haut et Court
Acteurs Isabelle Huppert, Jérémie Renier, Patrick Descamps, Yannick Renier, Kris Cuppens
N° cinéfeuilles 541
Bande annonce (Allociné)

Critique

Description d'un grave dysfonctionnement familial - ou chronique d'une catastrophe annoncée -, NUE PROPRIETE s'installe dès les premières images dans un contexte de tension aiguë. Les rapports fusionnels que Pascale, mère divorcée (Isabelle Huppert) entretient avec ses deux grands fils Thierry (Jérémie Renier) et François (Yannick Renier) sont les signes avant-coureurs de toutes les difficultés à venir.

On est en Wallonie, dans une immense et magnifique maison de campagne. Thierry et François sont jumeaux, très différents, mais toujours collés ensemble. Ils ont déjà dépassé l'âge où l'on quitte habituellement le cocon familial, mais préfèrent vivre aux crochets de leur mère, bonne cuisinière et bonne à tout faire que, de surcroît, ils prennent très souvent de haut. L'atmosphère est lourde, les vérités restent cachées, toute discussion avorte. Trois personnages qui sont comme prisonniers les uns des autres, le verrou de la culpabilité de chacun empêchant toute ouverture vers un avenir plus serein. Avec le temps, l'amour familial s'est transformé en haine, les mots sont blessants et l'injure presque quotidienne. Et comme les relations conflictuelles sont encore attisées par des questions d'argent (la maison représente une coquette fortune, qui en profitera donc plus tard?), le drame ne peut qu'éclater.

Une fois admis que, par le passé, de grosses et manifestes erreurs d'éducation ont été commises par les parents - mais en attribuer les causes à un divorce relève de la simplification abusive -, on pourra prendre intérêt au déroulement d'un récit bien mené, au découpage net, à la tension croissante. La caméra s'aventure intelligemment dans le monde intérieur de chacun, et NUE PROPRIETE devient peu à peu la peinture impitoyable d'un huis clos: la plupart des plans-séquences sont fixes, les cadrages rigoureux et les décors essentiellement ceux de l'intérieur de la maison. Les ouvertures vers le monde extérieur se font rares: quelques personnages (Luc, l'ex-mari de Pascale; Jan, son nouvel ami; Anne, la petite copine de Thierry) traversent parfois cet univers fermé, où l'air se révèle vite irrespirable. Ils n'insisteront pas. Le cinéaste belge Joachim Lafosse a réussi à créer un climat étrange, oppressant, nourri de cet imbroglio familial. Comment en sortir? La fin laissera bien des choses en suspens. Tous les personnages - peu sympathiques, on l'a compris - sont interprétés par une équipe de comédiens remarquables et impeccablement dirigés: Jérémie et Yannick Renier (les frères jumeaux), ainsi qu'Isabelle Huppert (mère-enfant fragile, ambiguë et résignée), pour n'en citer que trois, sont excellents.

Antoine Rochat